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Marché de l'eau : enjeux et opportunités pour les industriels

C'est un fait : la pénurie d'eau devient un enjeu économique majeur, avec des risques pour le fonctionnement même de l'industrie, notamment pour les secteurs les plus consommateurs. La RÉUT, réutilisation de l'eau après traitement, apparaît comme l'une des pistes les plus sérieuses pour faire face à cette pénurie. Les besoins en équipements sont larges, dont certains concernent directement les PME.

  • Un déficit de 40 % à l'horizon 2023

L'eau représente 70 % de la surface de la « planète bleue », mais sur les 3 % d'eau douce, 99 % sont difficilement exploitables (glacier, nappes profondes, etc.). Selon la Banque mondiale, le monde fera face à un déficit de 40 % entre la demande et l’approvisionnement en eau d’ici 2023 en raison de la croissance démographique actuelle et les mauvaises pratiques de gestion de l’eau.

En France, on prélève 32 milliards de m3 d’eau par an pour :

  • l’agriculture (48 %) ;
  • les usages domestiques (24 %) ;
  • la production d’énergie (22 %, refroidissement des centrales nucléaires, barrages hydrauliques dont une grande partie retourne au milieu naturel) ;
  • l’industrie (6 % hors énergie).

20 % du territoire national est soumis chaque été à des restrictions d’eau en raison du déficit hydrique.

L'empreinte eau est un indicateur de l’usage direct ou indirect de l’eau par le producteur ou le consommateur. Il s’agit de l’eau utilisée pour produire des biens exportables dans un endroit et consommée « virtuellement » dans un autre espace, d’où l’appellation « eau virtuelle ».

On calcule l’empreinte eau par an et par habitant pour chaque pays. Celle de la France atteint 1 875 m3/an/habitant dont 40 % se trouve hors de France. Celle de la Chine est de 702 m3/an/habitant, dont seulement 7 % se trouve hors de Chine.

  • À chaque usage, sa qualité d'eau

En 2050, on prévoit une baisse de 20 % à 40 % de l'eau dans les rivières lors des périodes d’étiage, le niveau moyen le plus bas d'un cours d'eau. Les restrictions vont se multiplier avec le risque de conflits d'usage notamment entre l'agriculture et l'industrie.

Dans l'industrie, l'eau est partout (usage domestique, eau de process, refroidissement, etc.), mais chaque usage ne nécessite pas la même qualité. Un audit est donc intéressant pour :

  • mesurer la quantité d’eau consommée ;
  • définir le type d’eau et la qualité dont on a besoin ;
  • identifier les polluants présents et ceux qu’il ne faut plus utiliser pour rejeter des micropolluants dans l’environnement ;
  • limiter les pertes de matières dans l’eau.

Un audit d'autant plus important que les enjeux financiers peuvent être considérables dans certains secteurs d'activité : l’industrie laitière consomme de 70 000 à 100 000 m3/an pour les lavages. Des process adaptés permettent de réduire jusqu'à 50 % de cette consommation. Vécue comme une contrainte, la nécessité de réduire sa consommation peut devenir une opportunité.

  • RÉUT : un marché en expansion

Réutiliser l'eau après l'avoir traitée est un moyen de prolonger le cycle de l'eau. En Israël, 90 % de l'eau est réutilisée, contre moins de 10 % en France. Le frein est aujourd’hui principalement réglementaire car, pour l'essentiel, seuls les usages agricoles sont autorisés.

Trois types d'eau sont susceptibles d'être réutilisées : les eaux grises des stations d’épuration issues des eaux usées domestiques faiblement polluées, les eaux résiduaires internes des industries, les eaux pluviales urbaines. Outre l'irrigation agricole, elles peuvent servir aux collectivités (lutte contre l'incendie, arrosage des espaces verts, etc.) ou être réinjectées dans la nappe phréatique.

Dans l'industrie, qui représente 19 % de la réutilisation, elles sont adaptées pour produire de l'énergie ou nettoyer les équipements.

La RÉUT permettrait à l’industrie de réduire de 40 à 90 % sa consommation d’eau, ce qui représente de sérieuses économies pour les entreprises et limiterait les pertes économiques, en cas de restriction d'eau.

Le marché de la RÉUT devrait se développer. Les Assises de l’Eau de 2019 ont prévu de tripler les volumes d’eaux non conventionnelles réutilisées d’ici 2025. Le Parlement européen a validé en mai 2020 le futur règlement sur la réutilisation des eaux usées traitées, applicable dès 2023.

Différences entre les REUT directes, indirectes, infiltration et recyclage

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Source : Cerema - Économie et partage des ressources en eau – Juin 2020

 

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  • Des besoins en équipements industriels très importants

 Les experts du marché de l'eau ont identifié un certain nombre d'opportunités pour les industriels. En voici quelques-unes.

Les équipements moins gourmands en eau ou qui optimisent la consommation intéressent des secteurs industriels tels que l'agroalimentaire. Par exemple, Definox, une PME des Pays de la Loire, développe des vannes en inox qui limitent la consommation d'eau dans les process agroalimentaires, pharmaceutiques ou cosmétiques. D'une manière générale, on retrouve des besoins autour de vannes en inox, pompes, cuves, membranes, etc., comme l’illustre Olivier Barrault, dirigeant d’Elodys.

Le marché de la RÉUT nécessite des outils d’affinage pour éliminer les matières en suspension et organique, de désinfection contre la pollution bactérienne et virale et de traitement des micros polluants (plastique, résidus) invisibles à l’œil nu. Parmi les savoir-faire mécaniciens nécessaires au traitement de l'eau, on peut noter :

  • l'aération de l’eau avec des brosses, des système d’hydrojecteurs (en fonte, en inox, en acier, en polyester) et des moteurs ;
  • les installations pour les pré-traitements, avec des dégrilleurs, des tamis, des dessableurs, des ponts racleurs ;
  • le traitement des boues qui fait appel à des machines mécaniques de pressage, de centrifugation, des pompes immergées.

Le stockage de l'eau devrait devenir de plus en plus nécessaire dans les process industriels.

Les turbines capables de pomper et de générer de l’électricité, notamment en montagne, permettent de mieux équilibrer l’énergie entre les heures creuses, pendant lesquelles il vaut mieux pomper de l’eau, et les heures pleines, pour produire l’électricité. Cette activité devient rentable au regard du prix de l’énergie aujourd’hui.

La fabrication additive métal pourrait remplacer l'impression 3D plastique pour fabriquer des tuyaux chargés de prélever de l’eau dans un lac, dans la mer ou des sources. Ces tuyaux doivent en effet parfaitement s'adapter à l’écosystème du lieu de prélèvement. Ce qui suppose de fabriquer quasiment une pièce à chaque utilisation.

Les usines mobiles d’analyse de l’eau dans les milieux naturels ou les unités de traitement de l’eau se développent.

La digitalisation du marché de l’eau entraîne un besoin en capteurs pour détecter la qualité de l’eau à la sortie du robinet. Le digital permet de la gérer plus finement, les citoyens réclamant davantage d'informations sur leur consommation d’eau, sa qualité etc.

L'économie circulaire ouvre des perspectives pour les TPE et PME industrielles autour de la réparation et la rénovation de certains équipements d’eau pour les réutiliser. Ce marché, qui concerne toutes les régions, sera très localisé.

Veolia est en train de créer une marketplace interne du matériel d’occasion, ouvert à leurs clients, comme Enedis ou la SNCF l'ont fait.

 

Pour visualiser le webinaire réalisé  par Prospective Industries sur le sujet, c'est ici

 

Merci aux experts qui nous ont éclairés sur les opportunités du marché de l'eau : Olivier Barrault (Elodys), Sylvain Chamaillard (Pole Dream), Laurent Horvath (Altis), Elsa Lortie (CCI Pays de la Loire), Naila Bouayed (Aqua-Valley), Thierry Burlot (Centre de l’eau), Thierry Trotouin (Veolia Eau France)

 

t burlot« La question de l'eau est un enjeu industriel et économique essentiel, car dans beaucoup de régions françaises, elle devient un facteur limitant au développement économique. On a besoin d’innovation, d’ingénierie et d’entreprises mobilisées autour de cette question. »

Thierry Burlot, Cercle de l’eau

s chamaillard« L’empreinte eau de la production est en train de changer et c’est un gros sujet pour les industriels à l’avenir. Elle va monter en puissance autant que l’impact carbone. C’est un enjeu fort pour les entreprises de produire de manière vertueuse. Ce n’est pas encore pénalisé financièrement mais cela risque de le devenir. ».

Sylvain Chamaillard, Pôle Dream

 

1561022785021« L’industrie mécanique française peut avoir un intérêt à se mettre sur le créneau du réemploi, de la réutilisation du matériel mécanique pour faire durer les équipements pour réparer, rénover certains matériels d’équipements d’eau. C’est un créneau qui va se développer à l’avenir pour les TPE, petites PME industrielles notamment. Il en faudra beaucoup car ce sera très localisé et dans toutes les régions. C’est un marché qui va s’ouvrir dans les trois prochaines années. On aura besoin de remettre à niveau »

Thierry Trotouin, Veolia Eau