Et si demain les industriels devaient relever l’enjeu de la préservation de la biodiversité ?
La perte de biodiversité sera-t-elle la prochaine crise de matières premières ? Un risque qui oblige les industriels à prendre davantage en compte cette dimension dans leur stratégie.
Un million : c'est le nombre d'espèces menacées d'extinction, si l'on en croit le rapport 2019 de la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPES). Les services écosystémiques sont ceux directs ou indirects que l’être humain retire de la nature : l’approvisionnement (nourriture, combustibles, eau potable), la régulation (stabilité climatique, qualité de l’air, contrôle de l’érosion, etc.), les services touristiques, la qualité paysagère et l’attractivité d’un territoire.
La dégradation de la biodiversité pourrait atteindre 10 % du PIB mondial en 2030
Ces services écosystémiques sont directement menacés par la perte de biodiversité, ce qui fait peser des risques majeurs sur l'économie. Selon une étude de la Banque mondiale1, les impacts directs de la dégradation de la biodiversité pourrait atteindre 10 % du PIB mondial en 2030 si certains de ces services s’effondraient.
À tel point que certains États légifèrent sur le sujet. La Cour constitutionnelle équatorienne a publié un arrêt en janvier 2022 qui vise à donner des droits juridiques à des animaux sauvages : le droit de « ne pas être chassés, péchés, capturés, collectés, extraits, gardés, retenus, trafiqués, commercialisés ou échangés », « d’exister, de s’épanouir et d’évoluer », mais aussi celui du « libre développement de leur comportement animal ». Autrement dit, cela leur garantit de ne pas être domestiqué ni d'être forcé d’assimiler des caractéristiques ou des apparences humaines.
Des stress tests biodiversité à l’instar des stress test climat ?
Il n'est donc pas étonnant de voir le monde de la finance commencer à prendre en compte les risques liés à la perte de biodiversité. Le réseau des banques centrales a créé un groupe d’étude qui cherche à comprendre les implications potentielles de la perte de biodiversité sur la stabilité financière.
De là à imaginer des stress tests biodiversité pour évaluer les risques de projets financiers à l’instar des stress test climat ? L’objectif serait de diminuer les risques et d'évaluer les opportunités des projets financés tout en incitant les acteurs financiers à s’aligner sur les enjeux de biodiversité.
Des industriels intègrent ces enjeux en évaluant les impacts de leur chaîne de valeur sur leurs écosystèmes. En Pays de la Loire, le groupe industriel Armor et 12 entreprises du parc d’activités du Bois Fleuri de La Chevrolière (44) se sont réunis en association. En collaboration avec la communauté de communes, des associations et des institutions, ils cherchent à améliorer la qualité écologique et l’intégration du parc d’activités dans son environnement. Des actions ont été lancées pour identifier les sources de pollution via l’analyse du pollen des abeilles présentes.
Un argument pour attirer les investisseurs étrangers
Chez Séché Environnement, spécialiste du recyclage et de la valorisation des déchets, 5 écologues travaillent à temps plein au sein de la direction du développement durable. Ils assurent le suivi de la biodiversité sur leurs sites industriels en menant des études et en collectant des données qu’ils diffusent à des partenaires (associations environnementales, chercheurs, etc.). Des référents biodiversité sont également intégrés dans les équipes. Par ailleurs, l’entreprise réfléchit à la création d’une « trame noire », qui permettrait de réduire l’impact lumineux des usines la nuit. « Très régulièrement, nos collaborateurs accueillent des visiteurs, des écoliers, des collégiens, participant ainsi à la sensibilisation du grand public sur les questions écologiques », indique Pierre-Yves Burlot, responsable du développement durable chez Séché Environnement.
Au même titre que la décarbonation et la RSE (Responsabilité sociétale des entreprises), la biodiversité pourrait même devenir un argument pour attirer les investissements étrangers en France.
1 -« The Economic Case for Nature », 2021.