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La sobriété comme levier de transformation (2/3)

Efficacité énergétique, Éco-conception, recyclage, innovation frugale, mutualisation des ressources, nouveaux matériaux, économie circulaire, ingénierie low-tech, économie de la fonctionnalité, circuit court industriel... Autant de pistes pour un développement d’une entreprise plus sobre.

Une entreprise industrielle spécialisée dans les machines de désinfection cherche à intégrer la sobriété sous l’angle productif mais aussi organisationnel. Son objectif : internaliser un maximum de compétences et de sujets pour monter en valeur et vendre moins de produits. Suite à une formation sur l'empreinte carbone, l'environnement et l'eau, de nouveaux secteurs d’activités s’ouvrent à elle. Elle va ainsi proposer des solutions adaptées aux secteurs de l’aquaponie (système de production alimentaire durable qui unit la culture de plante et l'élevage de poissons) et de l’aquaculture. Ces solutions sont proposées en intégrant les contraintes futures concernant les ressources énergétiques et alimentaires.

Dans un tout autre domaine, Renault a créé une entité dédiée à l’économie circulaire, qui permettra d'augmenter la part des matériaux recyclés dans un véhicule neuf de 20 % aujourd'hui à 33 % en 2030.

Le concept de sobriété peut s’appliquer à tous les secteurs de l'entreprise

Ces deux exemples traduisent les opportunités de marché créées par la recherche de sobriété. Les marchés ne sont pas seuls concernés, car le concept de sobriété peut s’appliquer à tous les secteurs de l'entreprise.

En production, « la sobriété dans l’industrie ne se limite pas à la réduction de la consommation énergétique. Cela peut impliquer beaucoup de transformation de modèles : ne pas surdimensionner l’outil industriel, travailler la mutualisation des équipements, travailler sur les process et les usages, développer l’économie du partage et de la fonctionnalité, etc. », explique Anaïs Voy Gillis, associée June Partners, docteur en géographie experte sur les questions de réindustrialisation.

L’intégration de réflexion autour de la sobriété pousse à repenser l’organisation de la production notamment. Des réflexions sont en cours dans des PME industrielles autour de la semaine de 4 jours à l'image de ce dirigeant industriel : « La sobriété va nous amener à moins produire donc mécaniquement avoir moins d’heures de travail en production. Nous sommes transparents vis-à-vis de nos collaborateurs et de nos clients. Nos salariés nous réclament actuellement de passer à la semaine des 4 jours mais nous sommes bloqués par la réglementation du travail. Nous cherchons actuellement des solutions pour tendre par exemple vers des semaines de 32 heures avec des heures supplémentaires. Cela permettra à nos collaborateurs de s’engager sur d’autres métiers en parallèle de leur activité́ dans l’entreprise, dans une association. Aujourd’hui nous sommes bloqués par la réglementation ».

En matière de conception et d'innovation, c’est au moment du design du produit que coexistent toutes les contraintes (énergies, ressources, process...). Oliver LLuansi, associé PwC, spécialiste des questions industrielles, conseille donc aux PMI « de reprendre leur offre et de s’interroger sur comment je peux la redésigner face aux contraintes. Il faut à la fois prendre la contrainte énergie au moment de la production mais aussi celle de l’usage et de la fin de vie : il ne faut pas oublier l’analyse du cycle de vie. La consommation d’énergie à la production d’un produit n’est que 20 % de la consommation totale, donc il faut tenir compte des 80 % restants. Il s’agit de reconfigurer son offre puis son outil productif à partir du produit et pas simplement redesigner l’outil de production en lui faisant baisser sa consommation d’énergie. Cela implique de créer ou faire appel à un bureau d’étude et d’effectuer du design collectif (rassemblant un spécialiste de l’énergie, des process, de la supply chain, un spécialiste de l’environnement, un design collectif. »

L’intégration de réflexion autour de la sobriété pousse également à repenser l’organisation de la production notamment. Des réflexions sont en cours dans des PME industrielles autour de la semaine de 4 jours à l'image de ce dirigeant industriel : « La sobriété va nous amener à moins produire donc mécaniquement avoir moins d’heures de travail en production. Nous sommes transparents vis-à-vis de nos collaborateurs et de nos clients. Nos salariés nous réclament actuellement de passer à la semaine des 4 jours mais nous sommes bloqués par la réglementation du travail. Nous cherchons actuellement des solutions pour tendre par exemple vers des semaines de 32 heures avec des heures supplémentaires. Cela permettra à nos collaborateurs de s’engager sur d’autres métiers en parallèle de leur activité́ dans l’entreprise, dans une association. Aujourd’hui, nous sommes bloqués par la réglementation ».

La recherche de sobriété stimule les réflexions du collectif

Du côté des ressources humaines, la sobriété s'approche du concept de frugalité. « Il s’agit de faire mieux (aussi bien) avec des ressources limitées. Cela se produit principalement par l'allocation des ressources sur les projets à plus haute valeur ajoutée et de concentrer les efforts sur les priorités », estime Gilles Verrier, directeur général Identité RH.

La recherche de sobriété stimule les réflexions du collectif, avec une mobilisation des équipes autour de projets communs. Une entreprise industrielle va ainsi lancer un groupe de réflexion avec l’ensemble de ses collaborateurs afin de réfléchir en mode créativité à la façon de révolutionner l’emballage face aux contraintes matières et environnementales. « Ce type de chantier motive énormément les jeunes ingénieurs qui trouvent toute leur place à chercher à réinventer l’existant », explique le dirigeant.

Pour cet autre industriel, « La sobriété, c’est l’énergie non utilisée. On cherche à structurer le temps passé en conception/production et à supprimer les phases inutiles, pour ne pas consommer cette énergie. Par exemple, on abandonne les étapes qui menaient à améliorer l’aspect esthétique de la pièce comme le retraitement de celle-ci ».

L'heure est à la « low tech » ou l'ingénierie sobre. L’école Centrale de Nantes a lancé en 2022 le premier parcours « ingénierie des systèmes low-tech ». Son objectif : former des ingénieurs capables de construire un monde résilient et sobre. Ils devront concevoir des objets, des systèmes ou des services simples qui intègrent la technologie selon trois grands principes :

  • Une low-tech correspond à des besoins essentiels dans les domaines de l’énergie, l’alimentation, l’eau, la gestion des déchets, les matériaux de construction, l’habitat, les transports, l’hygiène ou la santé ;
  • Résiliente, robuste, réparable, recyclable, elle est éco-conçue pour que son impact écologique et social soit optimal, et ce, à toutes les étapes de son cycle de vie ;
  • accessible au plus grand nombre. À l’inverse des hautes technologies, son coût et sa complexité technique ne sont pas excessifs pour une large tranche de la population.

Pour vulgariser la low tech et la rendre accessible, une PME industrielle a créé « La belle Tech » avec pour slogan : « Elle est belle parce qu’elle est simple, robuste, sobre, facile à maintenir ». L’objectif est de développer des outils pour le maraîchage et la cuisson alimentaire que les artisans peuvent maintenir eux-mêmes, ce qui les rend indépendants. La société cherche à faire des choses simples avec le moins de technologies possible. « A travers les outils développés par La Belle Tech, on combat l’intelligence artificielle et on remécanise les choses », estime un collaborateur.

En parallèle, la structure développe une sorte de fablab dans lequel on pourra fabriquer ses propres outils à l’aide des machines d'un consortium d'entreprises et sous la supervision de professionnels. Le client (plutôt profil artisan) est ainsi impliqué dans la démarche de conception. Cela permet de développer des low techs et ensuite de les rendre industrialisables en petites séries.

« La sobriété, c'est l'occasion de remettre les choses à plat au niveau de la production. En installant des capteurs solaires, je produis 35 % de mes besoins énergétiques. J'ai mis en place un tableau de bord pour repérer toutes les pertes.

Je suis en train de regarder avec mon fournisseur japonais de robots pour que les machines s'arrêtent et redémarrent automatiquement le samedi et le dimanche. J'ai consommé 10 % de moins d'énergie alors que j'ai une croissance de 25 %. »

Emmanuel Germain Hydraumatec

« Attention à l’emploi des termes de sobriété et frugalité appliqués aux Ressources Humaines. Est-ce que l’on cherche à les réduire ? Au contraire, je verrais plutôt un questionnement qui permette d'apporter du sens aux salariés et des réponses à des besoins en termes d’enjeu environnemental : comment établir un mode de fonctionnement entre les salariés et l’entreprise qui permette la sobriété pas seulement pour l’entreprise mais pour réduire l'impact environnemental global. »

Régis Dando, RevalueSystems

« Dans l’isotherme, on améliore la conception de nos produits pour éviter les fuites et donc les pertes de calories. Par nature, nous sommes dans la sobriété. Concernant l’entreprise, nous cherchons à ancrer nos applications localement en remplaçant nos fibres de tissus de verre (en provenance à 100% d’Asie) par la fibre de lin ou de chanvre. C’est très écoresponsable, mais cela reste encore très coûteux à ce jour, avec un ratio de 5 à 6. »

Guillaume Dubois, Uniject