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Sobriété et croissance : compatible ou paradoxal ? (3/3)

A l’heure où la sobriété semble être « le nouveau dogme », ne voit-on pas apparaître un paradoxe avec le modèle de croissance. Ces deux notions sont-elles compatibles ou paradoxales ? Des entrepreneurs et des experts s'expriment.

« La sobriété sous-entend une moindre consommation et principalement une baisse des volumes produits. Cela vient bousculer le modèle fondamental de l’industrie qui est d’essayer de massifier la production pour faire baisser les coûts unitaires. » Pour Anaïs Voy Gillis, spécialiste des questions de réindustrialisation, le lien entre sobriété et croissance n'est pas évident.

Un certain nombre d'industriels posent ouvertement la question du sens, à l'image de ce dirigeant : « Le paradoxe, c’est que l’on ne peut pas imposer une croissance infinie aux entreprises et leur demander en même temps d’être moins impactante. Le piège c’est le « technosolutionnisme » (fuite en avant par la technologie). L’enjeu d’adapter nos rythmes de production aux enjeux qui nous incombent et imposer une croissance du chiffre d’affaires du volume de production annuelle... La question essentielle que l’on doit se poser c’est quelle est la finalité de cette consommation d’énergie : pourquoi consommer toute cette énergie finalement ? ».

Certains n'hésitent pas à évoquer le mot de décroissance

Une question que se posent de plus en plus de collaborateurs, notamment les plus jeunes, témoigne ce chef d'entreprise : « Est-ce qu’à un moment donné, on arrête de vouloir constamment augmenter le rythme de production ? » Quand je pose cette question au sein de l’entreprise, ça commence à réagir. »

Un de ses confrères surenchérit : « On voit apparaitre des discussions entre collaborateurs sur des modes de vie (moins de transport, plus d'autosuffisance alimentaire (jardin fruitier ou potager) ou énergétique (panneaux solaires, bois de chauffage, etc.). Les canicules du dernier été ont accéléré la prise de conscience d'une certaine irréversibilité climatique, amplifié la prise de conscience, voire qu'un pic de niveau de vie a été dépassé et qu'il va falloir revoir certains comportements et façon de vivre à la baisse. »

Certains n'hésitent pas à évoquer le mot de décroissance : « Comment créer un réseau de résilience face à cette transition environnementale et que les indicateurs de croissance ne sont pas ceux qui poussent à l’épanouissement des collaborateurs. Il faut décorréler la croissance et l’épanouissement professionnel et personnel au travail. Il faudrait créer un réseau d’entreprises qui réfléchissent ensemble à structurer la démarche de décroissance. Je suis persuadée que c’est la voie à suivre ».

 

Point de vue

« Les jeunes sont toujours attachés à avoir de beaux vêtements, mais du recyclé. C'est typiquement l'exemple où sobriété et croissance s'associent. Autre exemple, le flex office qui nécessite des mobiliers différents. Une entreprise comme Siemens développe des départements entiers de réparabilité. On rentre davantage dans une économie circulaire.

La définition de la croissance change mais on ne la connaît pas encore parce qu'elle ne correspond plus du tout avec produire plus pour gagner plus. Dans un monde fini, pensons-nous vraiment qu’il soit possible de croire en une croissance infinie ? »

« En tant que dirigeant, je m’interroge sur la façon de réduire l’impact environnemental de mon entreprise : réduire les transports (ne plus prendre l’avion, moins se déplacer). Je réfléchis à donner 2 mois de congés à mes salariés (plutôt que 5 semaines) pour leur permettre de se déplacer avec des modes de transport beaucoup plus lents. Et dans le même temps, je baisse les rémunérations avec l’argumentaire que les salariés auront plus de temps pour vivre. »

Pierre Mouyade, The M Equipment

 

« Nous sommes fournisseurs de ressorts en feuillard de rang 2 ou 3, majoritairement pour l’automobile. Nous avons développé une offre « augmentée » ou à « valeur ajoutée » pour répondre à des demandes des clients qui arrivent avec leurs définitions. Notre objectif est de proposer des solutions alternatives, validées par le biais de nos simulations pour, par exemplesimplifier l’assemblage de nos clients, augmenter les niveaux de contraintes ou changer de technologies afin de gagner du poids et réduire les déchets de découpe. Nous sommes en mesure de réaliser une dizaine d'offres augmentées par an qui nous permettent d’être plus attractifs.

Nous ne pouvons pas nous permettre de réaliser ce type d’offres pour toutes les demandes de prixmais dès lors que nous jugeons la demande stratégique. Cela nous différencie de nos concurrents, entre autres basés en Asie. C’est très important pour pérenniser et développer notre site car on exporte 67% à l’étranger. »

Yohann Gros, CGR