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Métaux stratégiques : une adaptation nécessaire à cette nouvelle guerre économique

 

Concentrés dans quelques pays et chez quelques exploitants, les métaux stratégiques pour la décarbonation de l'économie pourraient devenir une arme économique et diplomatique. Les industriels, notamment dans l'automobile, anticipent les tensions et sécurisent leurs approvisionnements.

« Nous sommes potentiellement en train de passer d'un monde de cycles de matières premières à un monde de pics de matières premières en raison du sous-investissement de la dernière décennie [...] Si, par exemple, le monde avait besoin de 2 à 3 millions de barils par jour de pétrole supplémentaires en raison de la reprise en Chine ou aux États-Unis, les producteurs auraient du mal à trouver ces approvisionnements car il y a très peu de capacité de réserve. Le cas du pétrole s’étendra dans le futur vers les métaux et autres minerais stratégiques. » Dans cette situation décrite par Saad Rahim, chef économiste de Trafigura, spécialiste du marché mondial des matières premières, les métaux stratégiques ou critiques pourraient devenir, à l'instar du pétrole et du gaz, une arme économique et diplomatique.

Des tensions attendues dans un certain nombre de pays producteur

La demande de métaux augmentera de manière significative et rapide, en particulier pour ceux nécessaires aux batteries des véhicules électriques.  Selon l’Agence internationale de l’Énergie, la demande mondiale en cobalt, lithium et nickel pourrait être multipliée respectivement par 21, 42 et 19 à l’horizon 2040. Paradoxalement, l’extraction, la transformation et le raffinage de ces matières vont croître, augmentant par la même occasion l’utilisation d’énergie fossile et d’eau.

Le secteur est concentré d'abord géographiquement. Témoin, l'arrêt en décembre dernier des usines de raffinage de lithium à Yichun en Chine, pour cause de pollution, pourrait réduire la production mondiale annuelle de 4 %. Des tensions sont attendues dans un certain nombre de pays producteurs : stress hydrique en Afrique du Sud, Australie, au Chili et au Pérou, instabilité politique dans les pays africains, états en guerre comme la Russie. Environ 70 % du cobalt utilisé à travers le monde est extrait en République démocratique du Congo (RDC), un pays connu pour sa pauvreté, son niveau de corruption et ses atteintes aux droits de l’homme.

La concentration existe aussi chez les exploitants. C’est en particulier le cas du lithium avec 80 % de la production mondiale détenue par cinq compagnies : deux américaines, deux chinoises et une chilienne.

Créer un cartel des métaux ?

Sur le modèle de l’OPEP  (organisation des pays exportateurs de pétrole), un rapprochement de certains pays producteurs est-il envisageable, pour réguler la production mondiale des métaux, avec à la clé un nouveau pouvoir de négociation pour ces pays  ? Fin octobre 2022, le ministre indonésien de l'Investissement Bahlil Lahadalia a évoqué dans le Financial Times la possibilité de créer un cartel des principaux pays producteurs de métaux des batteries. Selon Emmanuel Hache, directeur de recherche à l’IRIS** et spécialiste de la prospective énergétique, cela reste encore peu probable, en raison de la structure des exploitants miniers, des contextes et positions politiques internes et externes des pays concernés.

Cette situation critique sur des ressources naturelles aussi stratégique a conduit l'État français à créer l'Observatoire français des ressources minérales (Ofremi). « Si des tensions ou une crise devaient intervenir, nous serions en mesure d'apporter un éclairage rapide pour aider les acteurs publics et économiques à définir les meilleurs réponses possibles », indique Stéphane Bourg, directeur de l'Ofremi. Il s'agit également de créer une diplomatie des métaux, selon un communiqué du BRGM (Bureau de recherche géologique et minier), et de permettre à la France « de mieux connaître et valoriser son propre sous-sol alors que notre pays dispose justement, en métropole et en outre-mer, de certains métaux critiques : lithium, dans le granit de Beauvoir dans l'Allier et dans l'eau géothermale d'Alsace, nickel et cobalt, en Nouvelle-Calédonie, etc. ».

Des constructeurs automobiles ont investi massivement dans des mines

Les industriels anticipent les tensions et sécurisent leurs approvisionnements à travers des partenariats avec des groupes miniers. C'est notamment le cas des constructeurs automobile, dépendants à 85 % des Chinois, qui ont investi massivement dans des mines, ainsi que des usines de raffinage de métaux et de fabrication de batteries.

Une préoccupation telle que des géants comme Tesla, Renault ou BMW se livrent une compétition sans merci pour passer des accords avec des groupes miniers pour garantir leur approvisionnement. Après avoir déjà conclu des accords avec le groupe chinois Ganfeng Lithium, Tesla envisage de devenir l'actionnaire principal de Glencore, le géant des matières premières.

Renault et le groupe marocain Managem ont annoncé durant l'été 2022 avoir signé un contrat d'approvisionnement en cobalt. Cet accord intervient quelques mois après l’accord entre le constructeur français et la société australienne Vulcan Energy pour sécuriser ses approvisionnements en lithium et celui avec le Finlandais Terrafame pour se fournir en nickel. Ford, Volkswagen et BMW adoptent une stratégie similaire.

 

*Bureau de recherches géologiques et minières.

**Institut de relations internationales et stratégiques.

« En décolletage, le rendement matière est faible. La moitié de la matière mise en œuvre part au recyclage. Le process de frappe à froid permet d’obtenir un rendement de 90 à 95 %. Cette activité est en plein essor avec une croissance de 30 % par an. Nous avons démarré l’activité en 2015. La forte progression depuis 2021 est aidée par le fait que le process est moins énergivore, qu'il consomme moins de matière première et qu’il génère moins de déchets. C'était déjà intéressant quand la matière était à 3 euros le kg, alors à 6 euros… »

Stéphane Lucas, Ardec Industrie