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Gérer la santé mentale des collaborateurs

 Les grandes crises génèrent des émotions telles que l'anxiété et la peur qui s'invitent dans l'entreprise. Au-delà du bien-être au travail, la santé mentale des collaborateurs devient une problématique de santé au même titre que les risques musculosquelettiques. Une problématique à laquelle les dirigeants ne sont pas toujours préparés.

Bon d’achat, carte cadeau, financement d’activité extra professionnelles…, cette cheffe d’entreprise a mis en place depuis plusieurs mois de nouveaux moyens pour récompenser ses salariés. Elle souhaite aller plus loin en prenant soin de la santé de ses salariés avec la mise en place de séances d’ostéopathie dans l’entreprise plusieurs fois par an.

La venue d’ergonome et les conseils de santé sont aussi des éléments favorisant la santé et le bien-être. Une dirigeante d’une entreprise spécialisée dans les solutions d’aménagement de postes de travail indique un changement d’approche de ses produits : « Auparavant les clients achetaient nos solutions pour rendre le travail plus efficace, dans une logique de compétitivité. Nos arguments en faveur de la santé et du bien-être des salariés étaient secondaires. Depuis quelque temps, nous voyons de nouveaux clients arriver avec la volonté de prendre soin de leurs salariés en leur rendant le travail moins difficile. Les arguments sur le bien-être et la santé sont devenus prioritaires ».

Et pour cause. Si l'après Covid a apaisé les équipes, de nouvelles tensions sociales apparaissent. Sur la question des salaires d'abord : « Il existe des attentes importantes sur l’augmentation des salaires, reconnaît un dirigeant mais cela va être difficile. Malgré les efforts, il y aura de grosses déceptions. »

Au-delà de la rémunération, certains chefs d'entreprise constatent que des émotions telles que la peur et l’anxiété reviennent en force chez les individus, liées à la hausse des prix, à la guerre en Ukraine, à l’imprévisibilité du futur et à l’éco-anxiété.

« Mon rôle en tant que dirigeant est un rôle paternaliste, de protecteur »

Au point que certains dirigeants souhaitent renforcer leur posture de « protecteur » pour dépasser les tensions sociétales de plus en plus fortes. « Face à l’urgence climatique, énergétique et la panique que cela créé dans la société, les personnes cherchent le coupable que cela soit l’État ou l’entreprise, témoigne l'un d'entre eux. On cherche partout le bouc-émissaire. Mon rôle en tant que dirigeant est un rôle paternaliste, de protecteur. » Une de ses consœurs se déclare « fatiguée de gérer « le bureau des pleurs ». Je dois de plus en plus intervenir en personne auprès des clients, des fournisseurs ou collaborateurs pour dissiper les conflits ». 

Dans une période de post-confinement, de tensions géopolitiques et d'« anxiété environnementale » les problèmes de santé mentale s'invitent dans l'entreprise. Au point d'être garante de la santé mentale de ses collaborateurs ? C'est ce que prédit Alexandre Stourbe, directeur général du LabRH : « Le rôle des RH sur les problèmes mentaux des salariés va sûrement devenir de plus en plus important ».

De fait, le nombre de cas de problèmes de santé mentale augmente fortement.

En 2022, si les arrêts de travail n’ont pas cru de manière importante, leur nature a changé. Ceux pour troubles psychologiques ou épuisement professionnel sont les seuls à progresser régulièrement (hors Covid) passant de 15 % en 2020 à 20 % en 2022.

 

« Il n’y a qu’UNE santé mentale »

Aujourd'hui, le risque psychosocial est la 2ème cause d'absentéisme après les troubles musculosquelettiques. Les problèmes de santé mentale s'accompagnent de de perte d'engagement, de productivité et de créativité. Selon Christophe Nguyen, Président du cabinet Empreinte humaine et expert du Lab de Welcome to the Jungle, « quand on parle de “quiet quitting”, de “great resignation”, de problèmes de recrutement ou encore de démission anticipée de CDD, tout cela illustre le même phénomène de santé mentale au travail. Les gens n’en peuvent plus de travailler dans des conditions qui menacent leur santé ».1

Benjamin Saviard, directeur d'Icas France remarque que « de nombreux DRH s’interrogent légitimement : est-ce que les problèmes de harcèlement scolaire de l’enfant de mon salarié ou son divorce me concernent ? Ils constatent bien que ces situations ont un impact sur la motivation, la performance, que cela peut générer des situations de conflits... Alors oui, moi je leur dis que c’est leur rôle ! Surtout qu’on ne peut jamais être 100 % catégorique sur l’origine d’un burn-out ou de situations d’angoisse. C’est souvent multi-causal : on ne sait pas depuis combien de temps des problématiques peuvent faire ping-pong entre les sphères privées et professionnelles. Il faut bien comprendre qu’il n’y a qu’UNE santé mentale ».2 

Personne n'est épargné : les dirigeants interviewés lors de cette collecte expriment également leur fatigue mentale. L’accumulation des crises sanitaires, des approvisionnements, énergétiques, environnementales et sociétales, et tous les doutes et craintes face à l’incertitude à venir contribuent à augmenter considérablement le stress psychologique des chefs d'entreprise.

 

La fonction RH utilise de plus en plus l'IA pour exploiter des données

Demain, si elles veulent garder leurs salariés, réussir à embaucher et continuer à fonctionner, les entreprises devront mettre des moyens sur le sujet. Certaines mettent en place des plateformes d’observabilité intelligentes permettant de soutenir les travailleurs occupant des fonctions critiques. Par exemple, les ingénieurs et techniciens chargés du pilotage, de la sécurité et de la maintenance des grandes infrastructures telles que des usines, des réseaux électriques et numériques ou encore des infrastructures de transport, sont soumis à des niveaux de stress psychologique élevés sur le long terme. L’intelligence artificielle, qui permet une surveillance automatisée des systèmes, contribuerait à prévenir ces risques psycho-sociaux.

« Lorsqu’une anomalie est détectée par la plateforme d'observabilité, l'IA effectue une première évaluation de la situation ainsi qu’une analyse des causes profondes (ou RCA pour « Root Cause Analysis ») avant de recommander l'action appropriée, explique Sofia Chedlivili, Sales Director France de New Relic. Les ingénieurs peuvent ainsi travailler plus rapidement dans des situations de crise, en sachant que leur conduite est appuyée sur une technologie basée sur l'IA. L'observabilité et l'IA contribuent à atténuer leur stress en agissant comme une seconde paire d'yeux. Elles permettent ainsi aux entreprises de valoriser plus efficacement l'expérience et les compétences de leurs employés en réduisant les processus manuels sujets à l'erreur humaine, et en portant leur attention sur des tâches stratégiques à plus forte valeur ajoutée. Sur le long terme, il s’agit donc d’un levier décisif pour réduire la fatigue et le stress des collaborateurs tout en optimisant leur engagement. »

Tendance de fond dans une économie qui valorise de plus en plus les données en tous genres, la fonction RH utilise de plus en plus l'IA pour exploiter des données tels que le salaire, l'absentéisme, le burn-out, les projets, les compétences, les formations… Pour Alexandre Stourbe, l'exploitation de ces données « peut amener les gestionnaires à identifier des services, des fonctions ou des postes dans lesquels on constate davantage de difficultés. Cela pourrait permettre de mettre en place des actions managériales plus ciblées ». Ce qui n'est pas sans soulever quelques questions éthiques ou légales sur la conservation des données sur la santé mentale des collaborateurs.

 

1La santé mentale, le nouveau Graal des entreprises, Welcome To the Jungle, 10/10/2022

« L'entreprise devient un centre de vie c'est-à-dire qu'on doit apporter des services qui vont au-delà de simplement proposer un job : livraison de fruits et légumes, pressing, crèche, etc. Cela renforce la connivence professionnelle entre les collègues ainsi que l'attachement à l'entreprise et le sens que l'on donne à venir à au travail. »

Emmanuel Brugger, Cristel

« Jusqu'à présent, on m'interrogeait sur l'aménagement du poste de travail, sous l'angle des gains de productivité. Aujourd'hui, nos clients viennent nous voir pour améliorer les conditions de travail de leurs salariés, ce qui, au final, favorise la productivité. Ils nous demandent conseil pour conserver leurs équipes. Le discours change. » 

Fabienne Derain, Yzytek

« J'ai 60 ans, je suis ingénieur mécanicien, je me retrouve à être chef d'entreprise et je suis obligé de devenir psychologue en chef sur un certain nombre de thèmes que je ne maîtrise pas. Et ce, en me mettant moi-même la pression parce qu'il faut garder des talents et leur donner du sens. »

Pascal Denis, Vernet Behringer