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Accélération du monde du travail et besoin de ralentissement personnel : point de rupture ou d’équilibre

L'écart se creuse entre le tempo toujours croissant du monde des affaires et la volonté individuelle de ralentir. La relation au temps dans le cadre du travail change et engendre de nouveaux modes d'organisation et de management.

La charge mentale supplémentaire ressentie pendant deux ans à fait naître un besoin de ralentir pour profiter de la vie. Au sein de l’entreprise, cela se traduit par la nécessité de diminuer la pression au sein des équipes, de revenir au fondement des relations humaines.

« La seule chose que nous maîtrisons et mesurons c’est la qualité des relations humaines »

« Il faut se concentrer sur des choses simples de la vie pour évacuer de la charge mentale, estime un dirigeant industriel. Au sein de mon entreprise, cela passe par la simplification de la relation avec nos clients. Comme nous n’avons aucune visibilité sur les prix ou l’énergie disponible, la seule chose que nous maîtrisons et mesurons c’est la qualité des relations humaines »,

Le regard du rapport au temps dans l'entreprise évolue. Pour Gilles Verrier, directeur général d’Identité RH « si les individus tendent vers un ralentissement, c’est parce qu’ils sont en train de courir en permanence, qu’ils sont sous pression, ils n’arrivent pas à effectuer leur travail parce que l’environnement ne le permet pas : ce qui explique le phénomène de distanciation. Le rapport au temps est en effet une des causes de la distanciation au travail. »

Certains dirigeants indiquent que le temps de trajet pour se rendre au travail prend de plus en plus d’importance. « Les gens cherchent à rapprocher leur lieu professionnel de leur lieu de résidence, pour gagner du temps : cela est un moteur assez fort lors des recrutement », souligne un chef d'entreprise.

Le CDI n'est plus un objectif en soi

Alors que le travail hybride a été engagé sous la contrainte de la crise sanitaire, le retour « à la normale » n’a pas eu lieu. « Entre retour au bureau et volonté de rester en télétravail, il n’y a pas de tendance qui se dégage, explique Alexandre Stourbe, directeur général du LabRH. Ainsi, nous allons d’une organisation de travail hybride conjoncturel qui se dirige vers le structurel. Un travail important s’annonce pour les dirigeants pour trouver le rythme adéquat au sein de ses équipes, prenant en compte les individualités. »

Le changement des formes de travail passe également par une mutation de la perception du temps. Ainsi, le CDI, autrefois le « graal » du salarié, n’est plus un objectif en soi. Il peut être considéré comme trop engageant, dans une période de « grande rotation ». Parfois une mission temporaire, un projet en particulier d’une entreprise, est plus attractif que l’entreprise en elle-même. Des salariés préfèrent ainsi des postes sur un délai précis, ou avec des missions/projets limités dans le temps. 

« Il faut arrêter de considérer que la quantité produite est proportionnelle au temps passé »

Gilles Verrier constate que « la transformation du rapport au temps dans le travail est liée à la formidable accélération que connaît notre société depuis quelques décennies. Cette accélération du rythme rendue possible par les outils disponibles s’applique également à la personne. Hier, lorsque le travail relevait pour l'essentiel de l'exécution d’activités prescrites, il se mesurait en heures, puisque la production était directement proportionnelle au temps qui y était consacré. Aujourd’hui, et encore plus demain, l'entreprise emploie des travailleurs du savoir, dont la matière à traiter est essentiellement composée d’informations et de relations... Il faut donc arrêter de considérer que la quantité produite est proportionnelle au temps passé et à l’intensité du travail fourni ! »

Ce qui génère de nouveaux modes de management et d'organisation qui transforment la posture managériale. Pour Suzy Canivenc, enseignante chercheure à MinesParisTech, spécialisée sur les innovations et nouvelles formes managériales, « face à des équipes de travail qui tendent à s’autoorganiser et peuvent de plus en plus souvent choisir leur lieu et leurs horaires de travail, le manager doit abandonner son rôle traditionnel de « commande et contrôle » pour adopter un management de soutien professionnel et psycho-affectif. »

Point de vue

« Le temps est davantage vu comme une contrainte que comme une ressource. »

« Globalement, on doit sortir une efficacité dans un certain temps. Si la revendication sociale c'est d'avoir davantage de temps pour se promener, et bien il faudra être efficace dans l'entreprise en moins de temps.

Je pensais que le principe de réalité rattraperait les jeunes embauchés. En fait, c'est nous qui devons trouver des solutions pour nous adapter à un nouveau principe de réalité. »

Lionel ScanffSerma