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[FICTION] Et si demain votre entreprise était ciblée par les gilets verts ?

L'accélération des changements entraînés par les défis environnementaux et l’impact sur la société tend à créer « une bascule sociale » de plus en plus marquée. Avec une augmentation des actions militantes.

 

Septembre 2027. Les températures estivales en France battent des records. Malgré la loi sobriété promulguée en 2024, qui devait réguler l’usage de l’électricité et de l’eau, et l’alerte stress hydrique lancée dès le mois de février, les réseaux électriques cèdent et l’eau manque cruellement, jusqu’à être rationnée.

Les gilets verts visent un spectre bien plus large

Dans un contexte de panique et d’urgence, le gouvernement revoit les arbitrages d’usages en ressources, la population les conteste vivement. Les coupures d’eau et d’électricité à répétition exacerbent les tensions, déjà fortes, qui se cristallisent désormais autour des enjeux climatiques.

Face à l’adversité et à la peur, un mouvement citoyen d’une ampleur égale à celle des gilets jaunes se forme en quelques semaines sur TikTok. Ses membres s’autoproclament les « gilets verts », en référence au mouvement de 2018 et aux revendications radicales en faveur de l’environnement qu’ils portent.

Autrefois lancées par des activistes contre des secteurs bien ciblés pour leurs impacts sur l’environnement, les actions changent. Les gilets verts visent un spectre bien plus large et bloquent dorénavant les entreprises et les activités énergivores et non essentielles, selon eux, pour la société : l'automobile, l'aéronautique, les événement sportifs, etc. Leur stratégie change également : aux blocus d’ateliers et d’entrepôts, aux sabotages et aux destructions d’équipements, s’ajoutent de nouvelles menaces telles que des campagnes de dénigrement en ligne, des cyberattaques des machines connectées, l'activisme silencieux dans les achats, les services RH ou encore dans la logistique...

Les entreprises sont de plus en plus ciblées pour leurs impacts sur l’environnement

Ce scénario de design-fiction est-il en passe de devenir réalité ? On pourrait le penser en voyant l'action menée en novembre 2022 par une centaine d'activistes écologiques contre un site de la cimenterie Lafarge, près de Marseille. Ils ont détruit du matériel, mis le feu à des engins de chantier et sectionné les arrivées des armoires électriques conduisant à l’arrêt du fonctionnement de l’usine. Ils entendaient alerter sur le rôle massif du secteur du BTP dans les émissions mondiales de CO2, en pointant la responsabilité du premier cimentier mondial.

Les entreprises sont de plus en plus ciblées pour leurs impacts sur l’environnement. À l’occasion d’un forum de recrutement organisé par HEC, le stand de Total Énergies a été pris pour cible par un collectif d’étudiants. Une quinzaine d'entre eux ont manifesté leurs désaccords sur la présence du groupe pétrolier, ont appelé à le boycotter et ont incité d’autres étudiants à refuser d'y postuler.

Ce type d’action s'inscrit dans la continuité de l’appel étudiant à ne pas travailler pour des entreprises polluantes. A l’instar de diplômés dans l’ingénierie, en agronomie ou encore en commerce, une jeune de l'Essec a récemment lancé un appel pour « miner les lobbies et les industries polluantes » lors de son discours de fin d’études. Depuis, les exemples sont de plus en plus nombreux.

Des dirigeants réinterrogent leurs domaines d’activités stratégiques

Face à l’urgence climatique et à tous les enjeux environnementaux, la radicalité progresse dans la société et les conflits moraux s’invitent dans la stratégie globale de l’entreprise. La façon de produire, de commercer, de communiquer, voire l’activité même de certaines entreprises sont remises en question.

« Les conflits moraux sont plus vifs, plus virulents, ce qui ne laisse à l'entreprise que le choix de se positionner factuellement vis-à-vis de sa posture RSE. », estime un dirigeant industriel. Un de ses confrères ajoute : « Le risque augmente de voir des tensions de plus en plus fortes entre une minorité qui cherche à changer, ceux qui ne se préoccupent pas des changements en cours et ceux qui y sont réfractaires. Ces tensions vont entraîner une bascule sociale de plus en plus forte. Les personnes qui ont compris le cadre des problèmes à traiter, qui ont leurs solutions en tête (autonomie, décroissance, etc.) et qui vont s’ancrer dans leurs choix seront de moins en moins compris par les autres ».

Auparavant, l’engagement RSE s’affichait dans la communication et dans la politique de l’entreprise. Depuis quelques mois, il nécessite des positionnements forts de la part des entreprises dans leurs choix stratégiques. Il devient plus opérationnel et mesurable. De nouvelles interrogations émergent : vers quels clients en adéquation avec ses valeurs se tourner ? Peut-on sponsoriser une société énergivore ?

D’autres dirigeants réinterrogent leurs domaines d’activités stratégiques, qui pourraient être repensés dans un contexte de société moralisatrice. « Face au malaise et à la peur de l’urgence, certaines personnes condamnent ce qu’ils appréciaient avant et rejettent la responsabilité sur l’État et les entreprises, indique un industriel. En tant que société soucieuse de l’environnement et l’affichant ouvertement, devons-nous maintenir notre présence sur le salon de la marine marchande – gros pollueur – qui représente pourtant une part importante de notre chiffre d’affaires ? Je reste dans le flou concernant cette posture. »

Un dirigeant s'est d'ailleurs vu pénalisé par l'Ademe « de 10 points dans le cadre d’un financement d’un projet, car notre groupe comprend des fabricants de bateaux. Nous sommes pourtant complètement éloignés de cette activité mais l'Ademe n’a rien voulu entendre ».