Un déclin démographique mondial à partir de 2050 ?
La population mondiale pourrait décroître à partir de 2050, à l'image de la Chine aujourd'hui dépassée par l'Inde en nombre d'habitants. Ce déclin démographique devrait s'accompagner d'un vieillissement de la population qui posera des problèmes différents suivant les régions du monde.
« On vit la fin d'une histoire unique : l'humanité aura été décuplée en trois siècles. Et le scénario le plus probable, c'est la fin de cette croissance rapide dans les années à venir ». Démographe et auteur de « Atlas de la population mondiale » (édition Autrement, 2023), Gilles Pison rejoint les conclusions d'une nouvelle étude réalisée par Earth4all, qui revoit les projections de l'ONU à la baisse en termes de croissance démographique. La population pourrait culminer à 9 milliards d'individus avant 2050, puis diminuer progressivement. Beniamino Callegari, professeur associé à l'université Kristiania d'Oslo et coauteur de cette étude est formel : « Nous soutenons que la baisse actuelle de la fécondité, déjà très visible à l'échelle mondiale, mettra fin à la croissance de la population mondiale plus tôt que ne le prévoient les Nations Unies ».
Le graphique ci-dessus indique les trajectoires de la population mondiale à l’horizon 2100 selon les 5 principaux scenarii établis les plus récemment.
Chine : la démographie va accentuer son déclin dès 2025
La chute de la natalité s'accompagnera d'un vieillissement de la population qui posera des problèmes différents suivant les régions du monde. Précurseur de ce déclin démographique, la population chinoise a décru de près d'un million de personnes (850 000) entre 2021 et 2022. Selon un rapport du ministère de la Santé chinois, la population de l'Empire du Milieu va entamer sa chute dès 2025 : « Le taux de croissance de la population a considérablement ralenti. Il entrera dans une phase de croissance négative au cours du 14ème Plan quinquennal (2021-2025) ».
Résultat : selon les projections des Nations Unies, l’Inde devient le pays le plus peuplé du monde avec 1,43 milliard d'habitants et une population estimée à deux fois celle de la Chine à la fin du siècle. Les projections de l'ONU suggèrent que la Chine verra sa population passer en dessous du milliard d'habitants en 2079, contre 1,412 milliard en 2021.
La diminution de la population en âge de travailler pourrait entraîner une pénurie de main-d'œuvre susceptible d'affecter la compétitivité économique de la Chine. De plus, le vieillissement de la population pose des défis en matière de sécurité sociale et de soins de santé.
D'autres pays asiatiques sont confrontés à un déclin démographique tels que la Corée du Sud, Taïwan, le Japon où les mesures natalistes ont à ce jour largement échouées.
Inde : une pression considérable sur les ressources naturelles
Si le sous-continent indien connaît également un vieillissement de sa population, il s'avère plus tardif, ce qui pose d'autres problèmes. Les moins de 25 ans resteront plus nombreux que les plus de 65 ans jusqu'à au moins 2078. Beaucoup de jeunes se retrouvent sans activité en raison du manque de places dans les universités et d'emplois. Par exemple, l'année dernière, 12 millions de personnes ont postulé pour seulement 35 000 postes proposés dans le secteur ferroviaire. Le pays est confronté à un défi majeur : créer des emplois pour ces centaines de millions de jeunes.
Par ailleurs, l'augmentation de la population indienne exercera une pression considérable sur les ressources naturelles, en particulier sur l'eau. Le pays fait déjà face à des épisodes de sècheresse catastrophiques de manière régulière. Les effets du réchauffement climatique vont aggraver ces tensions sur la population, dans un pays confronté à des évènements climatiques extrêmes environ 80 % de l'année, telles que les moussons, les canicules et les sécheresses.
Europe : un affaiblissement du poids géopolitique et économique
Le vieillissement démographique représente un défi majeur pour l'avenir de nombreux pays dans le monde. La baisse de la natalité couplée à la hausse de l'espérance de vie observée dans plusieurs régions exercera une forte pression sur le marché du travail et les systèmes de santé et retraite.
En effet, la croissance démographique exerce une influence significative sur la taille du marché du travail et les capacités budgétaires et économiques d'une nation. Selon de nombreux experts, une diminution de la population peut engendrer des répercussions économiques désastreuses, menant inévitablement à l'appauvrissement général. Paradoxalement, les pays affichant un solde démographique naturel négatif figuraient souvent parmi les plus prospères de la planète, à savoir l'Allemagne, le Japon, l'Italie et l'Espagne. En contraste, les nations aux taux de croissance démographique les plus élevés étaient presque exclusivement parmi les plus démunies. Ces régions, confrontées à des tendances démographiques défavorables, semblent de plus en plus vulnérables à long terme, avec des contraintes budgétaires croissantes en perspective.
Cependant, l'impact de la diminution de la population mondiale, plutôt que sa stabilisation, se révèle encore plus profond. Au lieu de la croissance exponentielle continue à laquelle nous nous étions habitués, le niveau de vie pourrait stagner à mesure que la population mondiale s'amenuise. Cette réalité soulève la question fondamentale : ce n'est pas simplement le nombre d'habitants qui compte, mais surtout si ces habitants ont un emploi. En cette ère où l'on projette une population nigérienne équivalente à celle de la Chine avant 2100, les dynamiques démographiques mondiales s'annoncent comme l'un des défis les plus complexes et cruciaux auxquels notre planète est confrontée.
En Europe, la chute de la démographie et le vieillissement de la population plus rapides que dans les autres parties du monde devraient contribuer à affaiblir le poids économique du Vieux Continent. Les postures politiques et les conflits sociaux se radicaliseraient autour de la question migratoire, alors même que l'immigration constitue le seul moyen de rétablir l'équilibre démographique.
Selon un trader spécialisé dans le blé et les matières premières agricoles, « le phénomène migratoire paraît sain sur le plan économique mais sera confronté à de fortes résistances sur le plan politique et culturel avec le risque d’émergence de forces politiques qui auraient des intentions violentes pas forcément pro-business... Tous les ingrédients existent pour que cette tendance se confirme, voire s'accentue et s'accélère avec les phénomènes climatiques ».