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De nouvelles polarités autour de la Chine (2/3)

 Avec la désoccidentalisation progressive du monde, de nouvelles polarités apparaissent pour trouver des solutions régionales. Nombre d'entre elles tournent autour de la Chine qui joue la carte d'un ordre mondial multipolaire pour contrer l'Occident.

Fédérer autour d'elle les morceaux d'un monde fragmenté contre le bloc occidental* : telle est l'ambition de la Chine. Et ce, au moment où le blocage actuel de la gouvernance mondiale (système de vote à l’unanimité) renforce la pertinence des solutions régionales.

Une alliance capable de défier l'occident

Témoin, le sommet de Samarcande (Ouzbékistan) de l’Organisation de coopération de Shanghaï de septembre 2022 s'est déroulé au moment où débutait à New York la 77ème Assemblée Générale de l’ONU. Une façon de montrer la volonté de marginaliser les structures de gouvernance issues de la Seconde Guerre Mondiale.

14 pays y ont affiché leurs ambitions communes, résumées par l'intervention du président chinois Xi Jinping :« La mentalité de la guerre froide et la politique des blocs ressurgissent. L’unilatéralisme et le protectionnisme remontent. La mondialisation économique fait face à des contre-courants. Les déficits de paix, de développement, de confiance et de gouvernance continuent de se creuser. L’humanité se trouve à la croisée des chemins. [...] Nous devons nous prémunir contre les tentatives de forces extérieures d’orchestrer des “révolutions de couleur”, et nous opposer ensemble à l’ingérence dans les affaires d’autrui sous quelque prétexte que ce soit.»

« Le sommet de Samarcande constitue le berceau d’une alliance capable de défier l’Occident », estiment Isabelle Mandraud et Julien Théron dans l’ouvrage le « Pacte des autocrates ». Créée par la Russie, la Chine et quatre des cinq ex-républiques soviétiques d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan et Tadjikistan) afin de stabiliser une région bouleversée par la dislocation de l’Union soviétique, l’Organisation de Coopération de Shanghaï (OCS) s'est élargie depuis 2017 à l'Inde, le Pakistan et l'Iran. La Biéolurissie et la Mongolie ont le statut d'observateurs. La Turquie, l’Azerbaïdjan et le Turkménistan y assistent en qualité d’invités. L'ensemble représente plus de 40 % de la population mondiale, 20 % des ressources du pétrole, 40 % du gaz naturel et du charbon et 30 % de l’uranium.

Depuis peu, d’autres pays semblent intéressés à rejoindre l’organisation à l’image de l’Égypte, l’Arabie saoudite, le Qatar, Bahreïn, les Maldives, les Émirats Arabes Unis, le Koweït et la Birmanie. 

BRICS : passer à un ordre mondial multipolaire

Autre polarité dans laquelle la Chine est particulièrement active : les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) que rejoindront en 2024 l’Iran, l’Argentine, l’Égypte, l’Éthiopie, l’Arabie saoudite et les Émirats Arabes Unis. Malgré leur important poids économique, désormais plus important que celui du G7, et démographique (3,2 milliards de personnes), les pays membres des BRICS ne disposent actuellement que de 15 % des droits de vote à la Banque mondiale et au Fonds Monétaire International (FMI). Le groupe, qui a créé en 2014 sa propre banque de développement et envisage de choisir le yuan chinois comme monnaie d'échanges, réclame depuis quelques années de jouer un rôle plus important dans les organes de gouvernance mondiale et le passage de l’ordre mondial unipolaire instauré en continuité de la guerre froide à un ordre multipolaire.

La Chine, nouveau maître du jeu au Moyen-Orient ?

Le Moyen-Orient apparaît lui aussi comme un « terrain de jeu » favori de la Chine. Pour Jean-Paul Ghoneim, chercheur associé à l’IRIS, spécialiste des pays du Golfe, « l'installation durable de la Chine dans le paysage diplomatique de la région semble irréversible. Les puissances occidentales, empêtrées dans la guerre en Ukraine et dans leurs problèmes domestiques avec des économies affaiblies, sont incapables de répondre aux besoins et aux aspirations de ces puissances économiques montantes. Les pays de la région anticipent en quelque sorte l’affrontement majeur qui aura lieu entre les États-Unis et la Chine et semblent miser sur une victoire de Pékin. »

De fait, la Chine enregistre un succès diplomatique en parrainant l'accord de de rétablissement des relations diplomatiques entre l'Arabie Saoudite et l'Iran, signé à Pékin. Cela permet également de « flatter l'ego » de l'Arabie Saoudite qui cherche à affirmer son statut de puissance régionale, indépendante des contraintes occidentales. La présence de la Russie est également importante, en raison des solides liens économiques et d'intérêts entre Riyad et Moscou au sein de l'OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). La Chine, en tant que principal partenaire économique de l'Iran et important acheteur de pétrole saoudien, soutient ce rapprochement, ce qui place l'Arabie Saoudite dans le camp des alliés de l'axe Pékin-Moscou.

Point de vue

"On observe l’apparition d’une multipolarisation du monde, même si ces ensembles peuvent être poreux. Ce n’est pas qu’un phénomène économique, il y a plusieurs dimensions sur cette volonté de leadership mondial : leadership économique, technologique, culturel... "

Point de vue

" Il y a 20 ans, en Chine, les consommateurs voulaient une voiture étrangère fabriquée à l'étranger. Désormais, ils veulent non seulement une voiture chinoise, mais fabriquée en Chine et par des Chinois. Notre réaction fut de créer une entreprise chinoise en Chine qui viendra concurrencer nos propres produits. Elle ne portera pas notre nom mais un nom chinois afin de toucher plus facilement le marché intérieur du pays."