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Quelles monnaies internationales pour demain ? (3/3)

La « désoccidentalisation » du monde se traduit concrètement dans le domaine de la monnaie. Des signaux ressurgissent montrant la volonté de nombreux pays non occidentaux de s’affranchir du dollar américain. Si elle n’est pas nouvelle, cette tendance à la « dédollarisation » a pris de l’ampleur avec les sanctions financières et commerciales infligées par l’Occident à la Russie, suite à l'invasion de l'Ukraine.

Russie, Chine, Brésil : vers une monnaie commune

Le projet de création d'une monnaie commune entre la Russie, le Brésil et la Chine vise à renforcer la coopération économique et à réduire la dépendance vis-à-vis du dollar. C'est l'un des chevaux de bataille du président brésilien Lula depuis son élection en 2023. Les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ne cachent plus leur volonté de créer un instrument de paiement alternatif au dollar, notamment, en raison des sanctions contre la Russie. « La Chine et l'Arabie Saoudite ont été choquées par les actions menées par les Américains et les Européens contre les Russes en termes de gel des avoirs de la banque centrale. » explique Gal Luft, directeur de l'Institute Analysis of Global Security think tank

Face aux sanctions occidentales qui limitent le commerce en dollar avec la Russie, l’idée de l’alternative du yuan (officiellement RMB, renminb) est remise au goût du jour par Lula. Le Bangladesh a franchi le pas en décidant de régler en monnaie chinoise une tranche du prêt consenti par Moscou pour la commande d’une centrale nucléaire. Restent des obstacles, à commencer par la création d'une banque centrale et de règles harmonisées.

Une « dédollarisation » sino-russe

La Chine réaffirme sa stratégie d’internationalisation du yuan en « dédollarisant » son économie et en s'appuyant sur la Russie. Une stratégie au long cours. Entre 2014 et début 2022, les sanctions occidentales ont eu comme conséquence l’augmentation du commerce entre la Russie et la Chine de près de 50 %. Le yuan gagne en importance dans les paiements internationaux, avec une croissance exponentielle de plus de 3 500 % entre 2016 et 2021. Le dollar reste la principale monnaie de réserve. Il représente 59,8 % des réserves de change des banques centrales en 2022, contre 2,8 % pour le yuan.

Mais les deux pays réduisent massivement leurs obligations américaines, suivis par d'autres comme le Japon ou l'Irlande qui diminuent leurs réserves en dollars. L'Iran a même basculé vers l'euro pour ses paiements internationaux.

Arabie saoudite : sortir de la rente pétrolière et s’affranchir du dollar

Autre pays en voie de « dédollarisation », l'Arabie Saoudite a conclu une alliance commerciale avec la Chine, la Russie, l'Inde, le Pakistan, et quatre autres pays d'Asie centrale, afin de s'affranchir de la dépendance au dollar américain. Le Royaume opère son virage vers la Chine, en accélérant des négociations pour convertir des contrats pétroliers en yuan.

La profonde refonte de son économie par le développement de son secteur minier va également dans ce sens. Le pays se diversifie pour sortir de la rente pétrolière et donc s'affranchir du dollar. Objectif : multiplier par trois la contribution du secteur minier au PIB, grâce à la présence dans son sol de phosphate, d’or, de cuivre, d’argent, de zinc, de nickel, de lithium, ainsi que d'uranium et de terres rares. L'Arabie Saoudite entend devenir un acteur important des transitions énergétique et numérique en devenant un fournisseur mondial de matières premières.

Brésil et l’Argentine : vers une monnaie commune sud-américaine

Les présidents brésilien et argentin ont décidé d'accélérer les discussions sur la création d’une monnaie sud-américaine commune pouvant être utilisée pour les flux financiers et commerciaux. Ce qui permettrait de réduire les coûts d'exploitation et la vulnérabilité des pays aux évolutions externes.

Inde et Émirats Arabes Unis : des paiements en monnaie locale

L'Inde et les Émirats Arabes Unis ont commencé à régler leurs échanges bilatéraux dans leurs monnaies locales. Le principal raffineur indien a effectué un paiement en roupies pour l'achat d'un million de barils de pétrole aux Émirats.

Les deux pays ont signé l'année dernière un accord de libre-échange dans le but d'augmenter les transactions non pétrolières à 100 milliards de dollars d'ici 2027.

Russie et Iran : une crypto-monnaie adossée à l'or

La Russie et l'Iran travailleraient ensemble pour lancer une crypto-monnaie adossée à l'or, qui pourrait remplacer le dollar américain pour les paiements dans le commerce international.

Quelles conséquences pour l’Europe ?

La guerre des monnaies est lancée qui pourrait avoir plusieurs conséquences pour l'Union Européenne :

  • à court terme, la « dédollarisation » des échanges risque d'entraîner une volatilité accrue de l'euro sur les marchés financiers. L'impact sur les taux de change rendrait les marchés plus imprévisibles, ce qui affecterait les exportations et les importations au sein de l'UE ;
  • à moyen terme, l'augmentation des échanges commerciaux entre les pays du « Global sud » entraînerait une intensification de la concurrence avec des pays émergents qui proposeraient des produits à des prix plus compétitifs, mais également avec d’autres pays industrialisés comme les Etats-Unis ;
  • à long terme, la perte de son statut de monnaie de réserve dominante du dollar pourrait affaiblir ou renforcer la position de l'euro en tant que deuxième monnaie de réserve internationale. Une baisse des réserves monétaires en dollars aurait des implications sur la stabilité financière de l'Union Européenne.