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Actualités Prospective Industries
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Et si la prospective climatique devenait la nouvelle boussole décisionnelle pour les entreprises ? (2/2)

De l’exploitation des ressources à la commercialisation, c’est toute la chaîne de valeur de l’industrie qui est concernée par le dérèglement climatique. Ce qui oblige les entreprises à identifier les menaces pour adapter leur stratégie.

C’est maintenant une certitude : les événements climatiques (orage, inondation, sécheresse, feux de forêt, etc.) augmenteront en fréquence, comme en intensité, et ce, sur tout le territoire. Ainsi, en 2050, il manquera 2 milliards de m3 d’eau si la demande reste stable et la moitié des forêts françaises seront soumises à un risque élevé d’incendie. Le climat local de l’entreprise s’en trouve bouleversé.

C’est toute la chaîne de valeur de l’industrie qui devrait être à affectée, aussi bien au niveau national qu’international, depuis l’exploitation des ressources jusqu’à la consommation, en passant par la logistique amont et l’approvisionnement, la production, la commercialisation et la logistique aval.

chaine de valeur

La preuve par l’exemple

En témoignent plusieurs exemples récents. La sécheresse de 2018 a fait baisser le niveau du Rhin au point de freiner le transport sur le fleuve et l’approvisionnement des sites chimiques, dont certains ont été obligés de fermer.

Toujours la sécheresse, mais à Taïwan en 2021, a contraint les industriels à réduire leur consommation d’eau, dont TSMC qui fabrique 60 % des puces électroniques sur la planète. D’où une pénurie mondiale de composants qui, par exemple, a conduit l’usine PSA de Rennes à suspendre sa production.

Plus récemment, les inondations de 2022 ont bloqué le port de Durban en Afrique du Sud, par lequel transite près d’un cinquième du trafic de marchandises entre l’Afrique et l’Asie. Cela a créé des tensions sur l’approvisionnement de la Chine en cobalt.

Énergie : des conséquences directes sur les entreprises

L’énergie compte parmi les secteurs les plus touchés par le réchauffement climatique avec des conséquences possibles tels une augmentation de la demande, un affaiblissement de la disponibilité en eau de refroidissement pour les centrales, des tensions sur les infrastructures énergétiques, et une plus forte intermittence des énergies renouvelables.

Les entreprises se retrouveraient alors face à :

  • des ruptures de l’approvisionnement énergétique ;
  • une volatilité très forte des prix ;
  • un déséquilibre entre offre et demande et délestage du réseau (coupures intermittentes) ;
  • une demande aux industriels de ne pas consommer pendant les heures de pointe, réorganisation des horaires de production.

Identifier les menaces pour adapter la stratégie

Au-delà, c’est toute la gestion de l’entreprise et le management qui devraient évoluer, ne serait-ce que pour adapter les horaires de travail à la chaleur pendant les périodes de canicule, intégrer les risques pour le personnel, pour « saisonnaliser » la production en fonction de la disponibilité en eau. Le dérèglement climatique pourrait aussi avoir des conséquences sur le comportement individuel des collaborateurs.

Dès lors que toute la vie de l’entreprise se trouve impactée, les perspectives climatiques s’imposent comme une boussole de la stratégie du dirigeant. L’Ademe a développé une méthodologie pour réaliser un diagnostic de l’impact du changement climatique sur l’entreprise et sa chaîne de valeur*. Basée sur une évaluation des risques, des vulnérabilités et l’analyse des seuils, elle lui permet d’identifier les menaces qui pèsent sur elle afin d’adapter sa stratégie.

 

*https://librairie.ademe.fr/cadic/4883/ademe_recueildiagnosticimpactschangementclimatiquesurentreprise_web_bd.pdf?modal=false 

 

« Impactés par la pénurie de semi-conducteur, nous avons décidé de créer Reused, une société de réemploi. Nous démontons les machines, nous reconditionnons des composants pour les mettre à disposition des industriels qui veulent réduire leur empreinte carbone. »

Thierry Ployer, ISI Group

 

 

 

 

 

 

 

 

« Le covid nous a entraînés à la résilience, mais nous ne sommes pas du tout préparés aux conséquences du réchauffement climatique. Pendant le covid il y a eu des pénuries, mais on a continué à avoir de la matière et de l'eau. Si demain il n'y a pas d'eau, je ne sais pas produire de casseroles alors que nous sommes en boucle d’eau fermée sur le process de production. »

Emmanuel Brugger, Cristel 

« Nous avons choisi d'implanter notre nouvelle usine dans un ancien local d'archives pour éviter d'artificialiser des sols, nous avons soigné l'isolation, nous étudions la mise en place de photovoltaïque. J'ai décidé cette année de piloter l'entreprise de façon à ce que la RSE, notamment le changement climatique, soit au cœur de la stratégie de l'entreprise. »

Nadège Anselme, Mecam 44 

« Le changement climatique va avoir un impact fort sur le bois qui représente 60 % de notre coût de revient, en termes de disponibilité et d'essence, et ce, très rapidement. Nous fabriquons nos palettes à partir du pin maritime et de l'épicéa de Sitca. À terme, des essences vont disparaître et une partie de la forêt française est attaquée par les scolytes. Nous allons devoir nous ouvrir à de nouvelles essences. » 

Guillaume Ferré GF Palettes

« Il y a une prise de conscience collective, ce qui n’avait jamais était le cas. Cette année on a fait 53% d’économie d’énergie sur le site. Simplement en faisant attention à tout et en mettant des capteurs. C’est aussi une opportunité d’avoir cette prise de conscience et je ne vois pas la même dans tous les pays. En Allemagne par exemple, ils nous regardent avec des yeux d’envie sur la politique énergétique… »

Richard Brunet, Bosch Rexroth