Les PME, qui ne disposent pas souvent des contrôles et des moyens pour investir dans la cybersécurité, sont de plus en plus ciblées par les hackers. Au point que les assureurs se posentla question de rendre ce risque inassurable.
Les PMI figurent parmi les priorités de la politique de développement d'Orange Cyberdefense. Cela ne doit rien au hasard : d'une part, entre octobre 2021 et septembre 2022, l’industrie manufacturière a été le secteur le plus touché par des cyberattaques ; d'autre part, les petites entreprises sont 4,5 fois plus nombreuses à être victimes de cyber-extorsion que les moyennes et les grandes entreprises réunies, selon le dernier rapport sur la menace cyber d’Orange Cyberdéfense. « Les doubles et triples extorsions sont devenues la norme : outre le chiffrement dessystèmes, le vol dedonnées sensibles est de plus en plus souvent utilisé comme levier pour exiger unerançon aux partenaires commerciaux, aux fournisseurs ou aux clients de l’entreprisevisée », Scott Sayce, directeur mondial cyber chez Allianz Global Corporate & Specialty.
Le risque cyber ne se limite pas aux rançons payées
Face à ces nouvelles vulnérabilités, en particulier pour toute la chaîne d’approvisionnement, la cyber-résilience des entreprises est aujourd’hui scrutée par un nombre de plus en plus important d’acteurs, assureurs, partenaires ou encore investisseurs internationaux. Selon un nouveau rapport d’Allianz Global Corporate & Specialty (AGCS), la menace cyber constitue dorénavant une des principales préoccupations au regard des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) de nombreuses entreprises.
Adoptée par l’Assemblée le 22 novembre 2022, la loi de programmation du ministère de l'Intérieur, dont une grande partie porte sur les enjeux cyber, autorise les entreprises à être indemnisées pour les rançons informatiques payées, sous condition d'un dépôt de plainte dans les 72 heures. Cette disposition est critiquée par les experts, car elle pourrait inciter les entreprises à ne pas investir contre ce risque. Elle conforterait également les cyberattaquants à continuer de plus belle.
Le risque cyber ne se limite pas aux rançons payées. Il s'étend à tous les impacts systémiques liés à la perte du système d’information. « La validation du paiement des rançons permet de borner un business model mais élude la question des clauses additionnelles, comme la garantie portant sur la remontée du système d’information ou la perte d’exploitation, qui pourraient coûter bien plus cher aux assureurs qu’un paiement des cyber-rançons », remarque Guillaume Verney-Carron, président et co-fondateur de Serenecity, une entreprise experte en cybersécurité.
Certains assureurs excluent les garanties cyber dans les contrats de responsabilités civiles
Cette dimension systémique et l’importance des dégâts causés poussent de nombreux assureurs et réassureurs à craindre de ne plus être capable d’assurer les dommages liés aux systèmes d’information. Malgré un contexte de plus en plus tendu et des perturbations causées par les piratages qui continuent de s’accroître, Mario Greco, le PDG de Zurich Insurance, l’une des plus grandes compagnies d’assurance en Europe, avertit : « Pire que les catastrophes naturelles, les attaques numériques pourraient devenir « non assurables » en raison de leur caractère systémique et de leur coût élevé ».
Certains assureurs excluent les garanties cyber dans les contrats de responsabilités civiles. C'est le cas de SAPA, l’assureur des agents généraux d’AXA. Il est à prévoir que les tarifs augmentent et que le risque cyber soit redéfini, ce qui pourrait rendre les entreprises plus réticentes à se couvrir.
Les données deviennent la richesse de l’entreprise, car elles permettent d’alimenter les nouveaux modèles économiques. Avec le développement de certaines technologies comme l’intelligence artificielle, le besoin en data va croître de façon exponentielle. Ce qui suppose de relever trois défis : maîtriser la consommation d’énergie ; protéger le secret industriel ; et former les collaborateurs.
Pour traiter la data, il faut beaucoup d'énergie. La consommation des data centers dépasserait celle du trafic aérien et représenterait 2 % des émissions de carbone mondiales*. Les échanges de données sont également énergivores. Selon l’Ademe**, les mails d’une entreprise de 100 personnes représentent chaque année 13,6 tonnes de CO2, soit 14 allers-retours Paris-New York.
Il convient donc de réfléchir à son cycle de vie. À commencer par son utilité. Selon le rapport mondial de Databerg, seules 15 % des données présentent un réel intérêt pour les entreprises.
Les GAFAM et les géants du numérique investissent massivement dans le cloud computing. Cette solution, qui consiste à utiliser des serveurs informatiques distants pour stocker les données et les exploiter, par l'intermédiaire d'un réseau, généralement Internet, est privilégiée par les entreprises. Ce faisant, elles transfèrent des informations stratégiques, voire des secrets industriels. Au-delà des cyberattaques, les conditions d’utilisation et les politiques de confidentialité ne sont pas toujours à la hauteur des enjeux. Par exemple : les données des 540 millions de comptes Facebook se sont trouvées en libre accès sur les serveurs du cloud d’Amazon.
L’irruption de la data nécessite une évolution de l’organisation et la mise en place d’un vocabulaire commun à l’entreprise. C’est la fonction du data management qui vise à valoriser les données comme capital stratégique de l'entreprise.
* Source : « La Face cachée du numérique », de Fabrice Flipo,Michelle Dobré et Marion Michot (éditions L’échappée) **Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’énergie.
« La matière première de l'intelligence artificielle, ce sont les données. On pourrait croire que, plus on en fabrique, mieux c'est. Sauf que, dans une dizaine d'années, notre empreinte data va poser un vrai problème. Pour diminuer notre pollution "data", il faut travailler différemment en utilisant moins de données. Nous devons tous être plus attentifs à ces aspects et les jeunes sont particulièrement sensibles à cela. »
Fariborz Farhoudi
Iago Technologie, spécialisée dans l'intelligence artificielle
L’amélioration de la condition humaine passe-t-elle forcément par davantage de technologies ? La question est posée au moment où les limites des ressources planétaires conduisent à s’interroger sur le progrès et le recoursdes hautes technologies au regard des enjeux. Low ou high tech, c’est l’utilité sociale qui compte.
Digitalisation, Industrie 4.0, Industrie du Futur… : plusieurs dirigeants de différents secteurs industriels remettent en cause la place prépondérante des nouvelles technologies et la vitesse de leur développement. « Il faut rejeter l’hypothèse de progrès technique permanent qui viendrait repousser les limites, témoigne Assen Slim, chercheur associé à l’IRIS. Il existe une nouvelle forme de radicalité liée à la prise en compte des limites planétaires. Par exemple, les mots « sobriété » et « décroissance », qui s’inscrivaient dans le champ lexical de la radicalité dans les années 70, sont dorénavant très régulièrement employés par les politiques. »
Une remise en cause du progrès technologique ?
Augmentation des pannes liées à la digitalisation, obsolescence des composants, risques d’approvisionnement, manque de compétence pour le maintien en condition opérationnelles, plus grande vulnérabilité cyber... Ce sont les problématiques mises en avant par plusieurs dirigeants remettant en question le tout digital prôné par les concepts de "l'industrie du futur". De manière générale, nombre d'entre eux acceptent le fait que la digitalisation des outils de production engendre un certain manque de résilience.
Un autre dirigeant s’interroge sur la déshumanisation liée à la robotisation : « À quoi cela sert d’ultra-robotiser des fonctions et des tâches si c’est pour détruire de la main d’œuvre ? Cela pose la question de l’acceptation sociale d’un low-job ? Une certaine vision de la société a fait qu’un emploi tertiaire est mieux valorisé qu’un emploi manuel. Avons-nous demandé que les caisses de supermarché soient robotisées ? Cela déshumanise encore plus les activités industrielles ».
De là à remettre en cause le progrès technologique ? Certaines sphères sociales contestent l’idée que l’amélioration des conditions humaines passe forcément par toujours davantage de technologie. Par exemple, constate cet industriel : « En Ukraine, on se rend compte que le fait d’avoir mis de l’électronique partout rend les équipements militaires moins résilients, surtout sur la capacité des soldats à remettre en état de marche les équipements qui dysfonctionnent. »
Sur le MIPIM, salon immobilier de Cannes, les grandes entreprises remettent en question le smart building au profit de la low-tech. Pour Réana Tahéraly directrice du développement institutionnel du promoteur Réalités, « notre industrie a cru que la smart city allait nous sauver. Aujourd’hui, on ne peut plus se cacher derrière, elle n’aborde pas tous les enjeux, climatiques et sociaux. Il est devenu incontournable, avant tout projet, de se poser la question de l’utilité de la technologie au regard de ces enjeux ».
« Lalow-tech, c’est ce que j’appelle le bon sens paysan »
D’où la percée des low-tech relevée par Alain Fustec, directeur Goodwill Management, cabinet de conseil en stratégie responsable : « Voilà quelques années, quand on parlait de low-tech, on nous prenait pour des zadistes, maintenant on est pris au sérieux ». Aujourd’hui, les écoles d’ingénieur s’emparent du sujet.
De fait, la raréfaction des matières premières invite à « faire avec moins ». Pour cet industriel, « la low-tech, c’est ce que j’appelle le bon sens paysan, soyons à la pointe mais pragmatique. Dans les innovations technologiques, il y a des lignes de forces qui nous poussent à faire du big-data, mais est-ce que cela est pertinent et résilient sur le long terme ? Une économie de guerre peut être vertueuse. Lorsque l’on va se rendre compte que l’on ne pourra pas importer des composants venant de Chine, on sera bien embêté avec notre big-data en panne ».
« Cela conduit les acteurs deslow-tech à réinvestir autrement la notion d’innovation »
La low tech questionne la technologie et le discours de progrès. Il s’agit de remettre en cause la neutralité des technologies pour débattre de leur intérêt. Selon Alain Fustec, « cela conduit les acteurs des low-tech à réinvestir autrement la notion d’innovation, en laissant plus de place aux inspirations à partir de techniques anciennes, aux innovations organisationnelles et à la suppression, plutôt qu’à l’ajout, de fonctionnalités ou d’éléments. Est-ce que je peux déconnecter ? Est-il possible de dénumériser ? de désélectrifier ? de démécaniser ? Voilà les quatre questions auxquelles il est nécessaire de répondre dans la conception des biens ».
Ce qui ne conduit pas à rejeter en bloc le progrès ou les hautes technologies, au contraire. Une étude sur les low-tech réalisée par l’Ademe en 2022 montre que leurs acteurs souhaitent limiter le déploiement des hautes technologies à des secteurs dans lesquels elles seraient réellement utiles, comme la médecine ou l’assainissement de l’eau. Comme le souligne Antoine Sellier, responsable national Promotion Privée Chez GRD «la Low-tech s’articule autour de trois axes : le juste besoin, le discernement technologique et l’échelle ».
Point de vue
« On est en train de sortir du dogme de la mondialisation, de la consommation intensive, notamment des matières premières et de l’intelligence partout. Finalement, est ce bon pour le business de mettre autant d’options, de fonctionnalités, d’électronique ? On s’interroge sur le cœur de l’usage du produit. La tendance est d’ajouter des fonctionnalités, du digital, de l’intelligence... Pourquoi toujours ajouter de l’électronique, qui d’ailleurs peut créer plus de panne ? C’est de l’écodesign frugal qui se concentre sur la fonctionnalité qui parait le plus résilient. »
« J'ai beaucoup de mal avec le concept d'Industrie du Futur ou de low tech. L'objectif c'est la finalité de la technologie. Un bon ingénieur doit concevoir en fonction des besoins du client et de la finalité. Imaginer une machine pour un client indien qui manque d'énergie sans intégrer la frugalité, c'est une erreur de conception. Le fait de trop conceptualiser les choses, cela nous dédouane de nos responsabilités. »
Pascal Denis, Vernet Behringer
« Le digital ne règle pas les problèmes. Si vous avez un problème et que vous automatisez, vous avez juste automatisé le problème. »
Philippe Roux, COO'PR
« Nous sommes spécialisés dans les solutions à base de cordages synthétiques aussi bien pour l'activité nautique, l'aéronautique et les secteurs industriels. Nous utilisons tous les outils high tech pourvu qu'ils nous apportent quelque chose. Nous faisons également de la low tech qui consiste à faire la même chose avec moins de matière, plus simple et plus sobre. Le low tech, c'est high tech. »
Thibault Reinhart, INO-Rope
« L’industrie du futur et tous ses outils, c’est un moyen de faciliter la vie des gens. Les tâches ingrates, on les fait faire par des robots. C’est plus intéressant de piloter un robot que de charger des pièces toute la journée. Cette industrie est là pour rendre service. »
L'intelligence artificielle continue sa progression dans les tous les secteurs de la société. L'IA générativedevrait progressivement laisser la place aux agents autonomes. Une révolution qui va bouleverser tous les métiers.
Des scientifiques de l'université du Wisconsin ont développé une méthode utilisant ChatGPT qui permet de récolter des informations afin de créer une base de données pour les ingénieurs en matériaux. Ces derniers ont ainsi réduit leur travail de lecture de 99 %, avec une fiabilité des informations d'environ 90 %.
« D'ici 5 ans, plus personne n'utiliseraChatGPT »
Il s'agit d'un exemples parmi tant d'autres, qui montre que l’IA générative se généralise à l'ensemble de la société et touche tous les métiers. Pour autant, une nouvelle génération d'IA semble déjà arriver : les agents autonomes. Pour Yann Le Cun, directeur de la recherche fondamentale sur l’intelligence artificielle du groupe Meta, « Les modèles de langage autorégressifs tels qu’on les connaît aujourd’hui auront une durée de vie très courte. D’ici cinq ans, plus personne n’en utilisera. La priorité de la recherche aujourd’hui [...] c’est de trouver le moyen de rendre ces modèles pilotables, c’est-à-dire suivant des objectifs et respectant des contraintes. Autrement dit, il s’agit de mettre au point des IA qui raisonnent et planifient en fonction d’objectifs donnés» Les agents autonomes sont des programmes, alimentés par l’IA capables de créer des tâches, d'en terminer, de redéfinir les priorités pour atteindre des objectifs qui leur sont fixés. « Encore faut-il s’accorder sur les critères qui pourraient garantir la sécurité et la fiabilité de tels modèles, c’est ce qu’on appelle « l’alignement », tempère Yann Le Cun. À terme, les machines dont je parle ici ressentiront des émotions. Parce qu’une grande partie des émotions humaines sont avant tout liées à la réalisation ou non d’objectifs, et donc à une forme d’anticipation. »
« L’avenir des agents autonomes ressemble à ce que tout le monde devienne un manager. »
« Les humains perdent énormément de temps à faire un travail fastidieux et manuel qui pourrait être réalisé par des ordinateurs et ainsi les libérer pour des activités plus créatives, ou se consacrer à ce que seuls les humains peuvent faire, explique Erica Brescia, directrice générale de Redpoint. Les agents autonomes permettront aux gens d’en faire beaucoup plus en beaucoup moins de temps, tout en passant beaucoup moins de temps devant les écrans au fil du temps ! » A peine deux semaines après la création de bases de code d’agents autonomes open source, près de 100 000 développeurs avaient déjà commencé à en construire. Le nombre de développeurs travaillant avec cette technologie augmente à un rythme de plus en plus rapide. « Les agents d’IA seront partout. Les entreprises pesant un milliard de dollars proviendront d’une petite équipe qui déploie des agents d’IA. » estime Ben Tossell, fondateur de Ben’s AI Newsletter.
Quelle place pour l'éthique ?
Face à un développement très soutenu des IA dans le monde et des investissements conséquents annoncés durant ces derniers mois, on note toutefois une volonté de s’interroger sur les innovations en cours, voir même de stopper les recherches le temps que l’Humain puisse débattre du futur de cette technologie. « Tout va trop vite dans l’adoption de ces technologies, alors qu’il n’y a pas de vrai débat au sein de la communauté scientifique sur le sujet » explique Joseph Sifakis, directeur de recherche à l’université de Grenoble et seul détenteur français d’un prix Turing reçu en 2007. Jaromír Janisch, spécialiste de l’intelligence artificielle à l’université polytechnique tchèque de Prague lui estime qu'il est vraiment temps de prendre un peu de recul, et de réfléchir aux implications de ces technologies que l’on met actuellement entre les mains de millions d’individus.
Paradoxalement, durant les deux dernières années, Microsoft et Google ont licencié une grande partie de leurs experts en éthique et ont réduit leurs effectifs des équipes d’ « IA Responsable ». En janvier 2023, Microsoft a licencié 10 000 employés, y compris toute l'équipe responsable de l'éthique et des questions de société au sein de la division IA[1]. En 2020, l'équipe éthique et société de Microsoft comptait environ 30 employés, comprenant des ingénieurs, des concepteurs et des philosophes. En octobre 2022, l'équipe avait déjà été réduite à seulement sept personnes dans le cadre d'une réorganisation. Fin 2020, Google annonçait déjà le licenciement de Timnit Gebru puis Margaret Mitchell, alors à la tête de la cellule en charge de l’éthique de l’intelligence artificielle chez Google.
« Sans parler du management de la communication et des réseaux sociaux, des « nouveaux métiers » auxquels on promettait un avenir important comme des datas analystes, data scientists, vont déjà être obligés de se repositionner et d’adapter leurs compétences à ces outils. »
« Nous accompagnons l'utilisation de ChatGPt dans l'entreprise. Nous y allons prudemment pour ne pas frustrer les équipes tout en nous protégeant et en gardant de l'humain dans nos relations avec les clients. Dans quelques années, l'IA sera à nos côtés, il faut lui trouver la bonne place et adapter nos populations, y compris les dirigeants. »
Métrologie, maintenance prédictive, contrôle non destructif, recherche & développement…,les applications du quantique pourraient arriver plus tôt que prévu.
Et si les capteurs quantiques étaient utilisables à court terme par les industriels ? Déjà testés en laboratoire, les premiers modèles vont arriver sur le marché, même s'il reste encore des questions de miniaturisation à régler. Selon Olivier Ezratty, consultant et auteur spécialisé en quantique, « il existe des opportunités pour les industriels à mettre des capteurs quantiques dans leurs offres car le marché va se déployer de plus en plus ». Témoin, l’industriel allemand Bosch crée une nouvelle entité spécialisée dans les capteurs quantiques. Son objectif : mutualiser les résultats de recherche du groupe dans ce domaine pour mieux les traduire en produits commerciaux.
Des applications en métrologie et maintenanceprédictive
Le principe consiste à exploiter la très fine sensibilité des états quantiques de particules comme les électrons, les photons ou certains atomes pour réaliser des capteurs d’une précision jusqu’à 1 000 fois supérieure à celle des capteurs basés sur la technologie Mems (micro-électro-mechanical system).
Les capteurs quantiques peuvent trouver à court terme des applications, en particulier en métrologie et en maintenance prédictive. Leur petite taille et leur sensibilité autorisent les inspections les plus complexes et leur robustesse, des interventions en condition extrême (hautes températures, pression, radiations, etc.). Leur résolution spatiale est meilleure que le millimètre et leur sensibilité, inférieure au nanotesla.
Parmi les exemples d’applications des capteurs de dans quelques grands secteurs :
le contrôle non destructif des pièces dans la métallurgie ;
l'inspection des cuves de réacteur nucléaire, sans interrompre la production ;
l'inspection d'espaces inaccessibles dans l'aéronautique, comme les trains d'atterrissage ;
l'inspection des circuits à travers des surfaces dans l'électronique ;
l'amélioration des systèmes de navigation des voitures autonomes, des drones, des robots et autres automatismes industriels.
1,8 milliardd'euros sur 5 ans
De grands donneurs d'ordre se mobilisent autour de l'informatique quantique, qui permet d'explorer des problèmes que les ordinateurs actuels sont incapables de résoudre. Engagé en janvier 2021, le plan quantique français prévoit un financement d'1,8 milliard d'euros sur 5 ans, notamment pour mettre au point des ordinateurs quantiques. Hébergée sur le site du CEA de Saclay, la plateforme nationale de calcul quantique vise à hybrider des ordinateurs quantiques à des supercalculateurs conventionnels, pour les mettre à disposition des chercheurs, industriels et militaires. « Pour aboutir à cette révolution du quantique, une nouvelle génération de concepteurs d'algorithmes et de développeurs va émerger », estime Olivier Erzatty.
De nombreux investissements sont attendus dans les équipes informatiques pour accélérer la R&D. Parmi les applications attendues de l’informatique quantique :
l'optimisation de la sécurité et de la vitesse de traitement des algorithmes, dans l'intelligence artificielle ;
la détection des fraudes fiscales et l'optimisation des prévisions financières ;
la cartographie très fine des molécules, même les plus complexes, avec des applications pour les médicaments, la production d’engrais, l’élimination du dioxyde de carbone ;
une meilleure analyse des données et la modélisation pour optimiser la logistique et la planification.
Le calcul quantique pour optimiser son organisation
Les grands constructeurs automobiles s'intéressent de près au sujet. Hyundai s’est rapproché d’une start-up américaine qui fabrique des processeurs quantiques pour réaliser de la simulation quantique des systèmes moléculaires complexes. Elle permettra de développer des algorithmes capables d’étudier au plus près les réactions chimiques du lithium impliquées dans le fonctionnement des batteries, afin de les rendre plus performantes et plus rapides à produire. Volkswagen utilisera le calcul quantique pour améliorer son organisation interne, par exemple, en maximisant le planning des ateliers de peintures dans ses usines.
La marine française devrait s’équiper de gravimètres basés sur une technologie quantique nouvelle génération, qui faciliteront notamment la cartographie des océans avec une précision jamais atteinte et de faciliter l’orientation des navires militaires et civils. Le premier gravimètre doit être validé en mer en 2023 avant d’être livré à l’armée. D’ici à 2026-2027, quatre bâtiments de surface de la marine seront équipés de ce système.
« Nous fabriquons des capteurs quantiques ultra-sensibles à base de diamants synthétiques, en remplaçant des atomes de carbone (N) par des atomes d'azote et par des vides (V), le couple NV conférant des propriétés quantiques et optiques remarquables. Les applications sont nombreuses : stabiliser les champs magnétiques pour des images IRM plus précises, contrôle non destructif alternatif et plus performant y compris en conditions extrêmes pour les secteurs oil and gaz, nucléaire et aéronautique, fabriquer des compas de navigation qui dérivent très peu, etc. »
C’est un fait : la digitalisation multiplie les points d’entrée dans l’entreprise ce qui augmente sa vulnérabilité aux cyberattaques de manière exponentielle. L’interconnexion entre les équipements en interne et avec l’extérieur, et les échanges de données entre partenaires, font de chaque poste de travail un risque potentiel. Pour le sous-traitant, il devient essentiel de prouver sa fiabilité afin de ne pas devenir le maillon faible de la supply chain.
Les pirates du net ont changé de stratégie : ils ne ciblent plus une entreprise en particulier, ils attaquent tous azimuts puis passent les données au tamis à la recherche d’une « pépite ». Par ailleurs, certaines petites attaques, lorsqu’elles se multiplient, peuvent devenir rentables. Par exemple, les rançongiciels qui bloquent les fichiers des entreprises et réclament une rançon pour revenir à la normale. Les business models de la cybercriminalité évoluent également vers l’économie d’usage : les hackers louent leurs outils informatiques à d’autres cybercriminels.
Les clients deviennent de plus en plus vigilants quant à « l’hygiène informatique » de leurs fournisseurs. Dans les appels d’offres, le volet sécurité apparaît dans les CCTP (Cahier des clauses techniques particulières). La cybersécurité peut aussi être un argument de vente.
Mais attention aux engagements pris. Il faut être capable de les mettre en œuvre techniquement et de démontrer la pertinence des mesures prises en cas d’audit ou de problème. Avec un paradoxe : il faut gérer à la fois la disponibilité des données et leur protection.
Maintenir la confiance numérique passe aussi par la communication, au moment où les messages de prévention évoluent d’un discours de peur vers la pédagogie, en privilégiant les démarches pas à pas.
Cette prévention s’organise dans l’entreprise en développant la culture sécurité à tous les échelons de l’entreprise pour que l’humain devienne le maillon fort de la cybersécurité.
Point de vue
« J’ai une petite entreprise qui travaille sur des pièces sensibles pour des gros clients. Je discute avec eux des problèmes de cybersécurité. Mais il existe une contradiction entre le double engagement qu’ils me demandent sur la protection et la disponibilité des données. Techniquement, je ne suis pas capable de satisfaire les deux. »
« Nous avons été attaqués en 2019 et bloqués durant une semaine dans nos usines. La transformation digitale, c’est d’abord une transformation humaine. Il est important d’éduquer et de sensibiliser nos collaborateurs pour éviter ces attaques. Nous n’avions pas assez de bons réflexes. La lutte contre la cybercriminalité passe par des formations et des sensibilisations au quotidien, car nous pouvons, bien malgré nous, devenir hackeurs par nos facons d’agir. »
Sans certains métaux (lithium, cobalt, terres rares, etc.), pas de transition énergétique.L'Europe est largement dépendante du reste du monde pour s'approvisionner. Pour contourner ce problème, les États cherchent à sécuriser leurs approvisionnements, tandis que les entreprises innovent pour les remplacer.
Un fonds d'investissement pour sécuriser les approvisionnements en métaux stratégiques
La course à la sécurisation des matières premières se confirme, notamment pour celles indispensables à la transition énergétique. Et pour cause : « L’industrie française, en particulier automobile, n’aura pas accès aux métaux dont elle a besoin si elle ne fait pas attention, remarque Vincent Levita, fondateur et président d’Infravia*, une société d'investissement. Ils sont là où la géologie l’a décidé et un certain nombre de puissances, la Chine en particulier, ont mis la main dessus et peuvent les rapatrier et les raffiner chez eux, pour ensuite construire des batteries et des voitures ».
D'où l'idée de créer un fonds d’investissement dédié aux métaux critiques soutenu par l'État. Alimenté à hauteur de 500 millions d’euros, il vise à sécuriser l'approvisionnement français en métaux stratégiques et à renforcer la souveraineté, en investissant dans des projets miniers principalement dans le lithium, le cobalt et le nickel. Ces métaux sont nécessaires pour produire des batteries de véhicules électriques. Objectif : atteindre les deux milliards d’euros d’ici deux ans grâce à la contribution de l’État et des industriels tricolores qui devraient déjà fournir 500 millions d’euros d’ici la fin de l’année.
L’innovation pour s’émanciper
De leurs côtés, les centres de recherche et les entreprises investissent pour sortir de leur dépendance aux matières premières stratégiques. Apple mise sur l'utilisation à 100 % de matières recyclés d'ici deux ans : cobalt pour les batteries de ses smartphones, tablettes et ordinateurs, terres rares pour les aimants, étain pour les soudures des circuits imprimés et or pour les placages.
Les batteries Sodium-ion arrivent bientôt à maturité et pourraient dès la fin de cette année faire leur apparition dans les batteries auto et réduire le coût des véhicules électriques. Le constructeur chinois Anhui Jianghuai Automobile Group Corp (JAC), a présenté en mai 2023 le premier modèle de véhicule électrique alimenté par une batterie sodium-ion.
Des chercheurs de la Texas A & M University ont publié une étude sur les développements d’une batterie aqueuse sans métal. « À l'avenir, si des pénuries de matériaux sont prévues, le prix des batteries lithium-ion augmentera considérablement, explique Jodie Lutkenhaus, professeure de génie chimique, Texas A & M University. Si nous avons cette batterie alternative, nous pouvons nous tourner vers cette chimie, où l'approvisionnement est beaucoup plus stable car nous pouvons les fabriquer aux États-Unis avec des matériaux que nous avons ici. »
En outre, il n'y aurait plus d'incendies de batterie car elle est à base d'eau.
Pour Daniel Tabor, son collègue professeur adjoint de chimie, « il s’agit d’une avancée vers des batteries sans lithium. Nous avons une meilleure image au niveau moléculaire de ce qui fait que certaines électrodes de batterie fonctionnent mieux que d’autres, ce qui nous donne des preuves solides de l’avenir dans la conception des matériaux ».
Inventer une pile à combustible sans platine
Créée en mars 2022 à partir des travaux du CNRS, la start-up Clhynn, basée à Besançon (Doubs) imagine une pile à combustible sans platine, capable de produire son propre hydrogène.
Cette pile à combustible présente deux innovations :
la technologie anionique de la pile par l'inversion du flux des ions à travers une membrane qui peut ainsi se contenter d'un catalyseur au nickel. Plus disponible, ce métal est aussi 1 000 fois moins cher que le platine ;
la réutilisation de l'eau dégagée par la pile pour refabriquer de l’hydrogène vert.
« En se passant d'installations de production d'hydrogène, elle permettra d'accélérer le développement des usages là où les entreprises en ont besoin », indique Jean-Patrick Corso, président de Clhynn.
Exploitation minière, station spatiale privée, armement de l’espace, centrale solaire spatiale, cellule photovoltaïque avec la poussière lunaire, la lune comme réservoir d’eau… L’intérêt au spatial se renforce sur fond d’enjeux terrestres.
Depuis les premiers pas de l'humanité sur la Lune, l'intérêt pour l'exploration spatiale n'a cessé de croître, et les dernières annonces indiquent que cette tendance ne montre aucun signe de ralentissement. Des découvertes de minéraux rares à la mise en place de projets innovants de construction sur la Lune, l'espace devient de plus en plus un terrain d’intérêt, notamment sur le plan commercial.
Les trésors cachés de la Lune
Une étude publiée dans la revue Nature Geoscience en mars 2023 a capté l'attention du monde en révélant que la Lune pourrait abriter des milliards de litres d'eau. Les chercheurs ont identifié de l'eau piégée à la surface lunaire dans des blocs de roche et des perles de verre. Cette découverte pourrait potentiellement changer la donne pour les futurs projets d'exploration spatiale en fournissant une ressource nécessaire à la vie humaine. Les échantillons de sol lunaire collectés par la mission chinoise Chang'e-5 ont permis de confirmer la présence de cette ressource précieuse. Avec plus de 200 milliards de litres d'eau potentiellement stockés, la Lune pourrait jouer un rôle clé dans la soutenabilité des futures missions spatiales.
Également, issue de sa mission Chang'e-5, la Chine fait à nouveau la une avec une découverte majeure. À la fin de l'année 2022, des scientifiques chinois ont annoncé la découverte d’un nouveau minéral nommé Changesite-(Y) sur la Lune. Cette trouvaille revêt une importance particulière, car le minéral contiendrait de l'hélium-3, un carburant rare et précieux pour la fusion nucléaire.
Une découverte intéressante puisque les avancées sur la fusion nucléaire se font de plus en plus concrètes. A l’image d’Helion Energy, une start-up américaine qui développe une technologie de fusion nucléaire utilisant l’hélium-3 pour produire de l'électricité. La société affirme que sa première centrale sera mise en service en 2028 et atteindra sa pleine capacité (50 mégawatts de production) dans l’année suivante dans le cadre d’un contrat signé avec Microsoft. L’entreprise a aujourd’hui construit six prototypes aux États-Unis et prépare actuellement son septième modèle, baptisé Polaris, à Everett dans l’État de Washington. Il doit démontrer la capacité à produire de l’électricité dès 2024.
Outre l’Hélium-3, d’importants gisements de fer et de titane avaient déjà été découverts en 2020 par la sonde spatiale Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO). D’autres missions d’exploration des sols lunaires, notamment sur la face cachée de la Lune sont déjà en cours.
Exploitation et construction sur la Lune : bientôt une réalité ?
C’est le cas pour l'entreprise américaine ICON, spécialisée dans l'impression 3D, qui se prépare à construire sur la surface lunaire. Soutenue par un contrat de la NASA, ICON explore l'utilisation du régolithe lunaire, la poussière et la roche riches en minéraux qui recouvrent la Lune, comme matériau de construction. Cette avancée pourrait révolutionner la manière dont les habitats et les infrastructures sont créés dans l'espace.
“Le régolithe peut être fondu avec un laser et transformé en un matériau de type céramique qui est dur, durable et absorbant les radiations.Certaines parties du système de construction ont été testées dans le vide, et seront ensuite testées en gravité lunaire simulée, avant d'être envoyées sur la Lune en 2026 ou 2027”, Jason Ballard, CEO de la société ICON (source CNN).
La NASA, quant à elle, a des plans ambitieux pour l'exploitation minière sur la Lune. Avec l’envoi d’une plateforme de forage prévue avant la fin de 2023, l'agence spatiale américaine vise à établir une exploitation minière à grande échelle du régolithe lunaire d'ici 2032. Cette initiative vise également à quantifier les ressources potentielles afin d'attirer des investissements commerciaux dans les prochaines années. A noter qu’en 2015, l'ancien président américain Barack Obama avait signé une loi accordant aux citoyens américains le droit de posséder des ressources extraites dans l'espace. Son successeur, Donald Trump, alla plus loin en 2020 avec une ordonnance encourageant les citoyens à exploiter la Lune et d'autres corps célestes à des fins commerciales.
Un avenir prometteur ou une fuite dans l'espace…
Les découvertes de minéraux précieux sur la Lune, la promesse d'une abondance de ressource énergétique et d'eau et les projets novateurs de construction sur la surface lunaire témoignent de l'essor continu de l'intérêt pour l'espace. Alors que les enjeux terrestres continuent de peser de plus en plus fort sur l’humanité, pour certain l'exploration spatiale ouvre de nouvelles voies pour répondre aux défis énergétiques et technologiques. Pour autant, cela pose une question plus large sur l’utilisation de nos ressources, leur finalité et le sens global de l’exploitation de celles-ci, que ce soit sur notre planète… ou sur la lune.
Dans ce podcast, vous retrouverez des éléments portant sur le lien entre machines et émotion, vers plus de profils chercheur/ingénieur demain? L'enjeu de l'informatique quantique dans les prochaines années. Ce podcast traite également des nouveaux modèles financiers et bancaires.
Ce 4ème podcast reprend la partie concernant les signaux liés aux innovations, technologies ainsi qu'aux sujets liés à la finance. Ces signaux ont été restitués à l'occasion des rencontres Prospective Industries de juin 2021.