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Ecart générationnel : Comment transmettre et préserver les savoir-faire ?

Au moment où le vieillissement de la population complique les recrutements, les écarts générationnels et l'obsolescence rapide des compétences compliquent la transmission des savoir-faire. Des méthodes et l'utilisation du digital ouvrent des perspectives.

Rapport au travail, à la technologie, façons de communiquer… c'est un fait : les jeunes générations n'appréhendent pas le travail et les relations dans l'entreprise de la même façon que leurs aînés.

« Aujourd’hui c’est compliqué de faire « matcher » une personne de 25 ans et une de 55 ans » 

L'écart générationnel rend plus difficile les transmissions de savoir-faire. « Aujourd’hui c’est compliqué de faire « matcher » une personne de 25 ans avec une de 55 ans, estime un dirigeant. Elles n’ont pas les mêmes attentes. Si l'une d'elle campe sur ses stéréotypes, l'écart se creuse. » Cela peut aller jusqu'à la nécessité de gérer des problèmes relationnels. La progression de l'individualisme au détriment du collectif n'arrange rien.

Les postes de manager n’attirent plus, ce qui complique l’évolution de carrière. « Les jeunes recrutés aujourd’hui ne croient pas aux principes de hiérarchie, ils veulent du management transversal, indique un industriel. Il y a également beaucoup de pression, la gestion et les problèmes d’équipes, etc. Tout cela fait que le poste de manager n’attire plus. »

Une compétence technique a aujourd’hui une durée de vie moyenne de deux ans

La transmission des savoir-faire est également compliquée par le rythme de développement des nouvelles technologies. « Dans notre stratégie RH, nous intégrons le fait que les technologies sont très changeantes à un rythme bien plus rapide que le temps humain, explique un dirigeant. Avant, dans l'industrie, on avait 20 ans pour travailler notre sujet : cela nous permettait de former notre personnel, de l'accompagner. La direction était moteur sur l’orientation à donner et la façon de former le personnel. Maintenant ce n’est plus possible, chaque personne se doit d’être acteur de sa propre formation et monter en compétences ».

Pour Claudine Bras, responsable Analyse et Prospective, Solutions&Co, « la transition va nous faire aller beaucoup plus vite que ce que l’on imaginait. Sauf que le changement des pratiques n'avance pas au même rythme ». Selon un récent rapport de l’OCDE* (Organisation de Coopération et de Développement Économique), une compétence technique a aujourd’hui une durée de vie moyenne de deux ans. « Dès lors, la compétence ne s’évalue plus dans un contexte stable, mais instable et implique d’acquérir autant de savoir-être que de savoir-faire, si ce n’est plus », indique Pierre-Marie Gaillot du Cetim. Selon le Future of Work 2023, dans le top 5 des compétences clés sur lesquelles il faut focaliser les efforts de renouvellement et la formation, trois sont considérées comme relevant du savoir-être.

Comment apprendre tout en produisant ?

Les jeunes utilisent d’autres canaux que l'écrit pour apprendre. « Comment les « anciens » peuvent-ils transmettre leur savoir-faire à des personnes qui n’ont pas les mêmes méthodes d’apprentissage, ni les mêmes difficultés ? s'interroge Pierre-Marie Gaillot. Et comment former tout en continuant l'activité ? Une tendance se développe que l'on appelle le « Training Within Industry » (TWI), c’est-à-dire : comment j'apprends tout en produisant ? »

Ce concept de formation dans l'industrie est né au Département de la guerre des Etats-Unis. Il était destiné à maintenir la production industrielle pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que de nombreux jeunes entraient dans l'armée. La méthode poursuit deux objectifs principaux :

  • former le plus rapidement possible de nouveaux travailleurs pour remplacer les personnes envoyées au front ;
  • générer le meilleur rendement avec le moins de personnes possible, à la fois quantitativement et qualitativement.

Le TWI repose notamment sur l'aspect cumulatif des connaissances. Des personnes possédant une riche expérience forment des chefs d'équipe. Ces derniers passent à leur tour le flambeau à d'autres chefs d'équipe, et ainsi de suite.

Pierre-Marie Gaillot donne l'exemple du laboratoire du Cetim à Cluses où la méthode a été utilisée pour permettre à des personnes n'ayant jamais touché une machine-outil d'usinage de sortir des pièces en une semaine. « Les informations clés pour le pilotage et la conduite de la machine ont été captées puis transférées sur une tablette. Les utilisateurs les ont suivies pas-à-pas. Au bout d'un moment, ils en savent un peu plus et vont moins chercher l'information Les apprenants décident de l'assistance cognitive dont ils ont besoin, ce qui est intéressant pour la capitalisation et la transmission des savoir-faire ». Chacun avance à son rythme et selon sa propre méthode, décide seul de ce dont il a besoin, plutôt que via le pédagogue. Les erreurs sont également considérées comme un élément de progression.

Développer l'autonomie dans les équipes de production

La digitalisation permet également de combler le manque de main d’œuvre et de formation à certains postes. « Avant, on digitalisait pour des questions de performances et de productivité, rappelle Pierre-Marie Gaillot. C'est toujours le cas. Mais les problématiques de main-d’œuvre et de transmission des savoir-faire s'y ajoutent. Il existe des réponses en termes d'organisation et d’autres en termes de digitalisation. L’objectif étant de développer l'autonomie dans les équipes de production. »

 

*Perspectives de l’OCDE sur les compétences 2021.

« Je ne vois pas d'opposition ancien/jeune. Ce n'est pas la transmission dans l'entreprise qui pose problème. Nous avons des métiers qui nécessitent plus de deux ans de formation. Ils peuvent être intéressants à proposer à certains profils qui recherchent de la stabilité. Nous devons trouver les clés pour les repérer et les attirer. »

Nathalie Augé, AMTE (Bourgogne/FC)

 

 

« Certains jeunes refusent d'être managers. Il faut que le poste soit en corrélation avec leurs valeurs et c'est compliqué de les faire se projeter sur un plan de carrière. »

Naïma Cottin, Metalhom (Bourgogne/FC)

« On n'a jamais eu autant d'offres d'information, de formations et les écoles sont plus adaptées à nos besoins. Dans l’entreprise, nous avons 20 alternants en permanence que nous recrutons avec le même soin que nos collaborateurs. Ils sont efficaces rapidement. »

Richard Brunet Bosch Rexroth