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De la crise à la mutation : comment résister, s'adapter et entraîner ses équipes ?

Sanitaire, économique, financière, sociale… la crise provoquée par la pandémie de la Covid-19 est inédite par son ampleur. Malgré le choc et le manque de visibilité, de nombreuses entreprises ont initié de nouvelles dynamiques pour passer d’une situation subie à davantage de proactivité. Au cœur de leur stratégie de rebond : l’humain. Regards croisés sur des approches qui permettent de dépasser paradoxes et incertitudes, avec :

 pi2009-resilience-intervenants

Développer l’aptitude au mouvement des entreprises

Après le choc vécu dans les entreprises, et alors que la pandémie n’est pas enrayée, un retour à la normale est-il envisageable ? « L’idée d’un retour à une norme antérieure est certainement une illusion, estime Joseph Lusteau. Nous assistons plutôt à un réaménagement des situations, qui implique de reconstruire un nouvel équilibre, lui-même possiblement instable pendant longtemps. » Il s’agit désormais d’inventer d’autres perspectives, dans un contexte où se mêlent ruptures et continuités. Opposer « monde d’avant » et « monde d’après », deux expressions qui ont fleuri sur le terreau de la crise, aurait en réalité peu de sens. De nombreuses tendances de fond ont en effet émergé bien avant le confinement : montée en puissance du télétravail, fabrication de matériels de protection qui ont renforcé le lien direct entre industriels et utilisateurs finaux, etc. « Ces phénomènes et d’autres encore évoluent, s’accélèrent, se télescopent. Pour les filières qui connaissent les plus grandes difficultés, comme l’aéronautique et l’automobile, c’est tout l’écosystème qui change. Dans les secteurs moins directement touchés, les entreprises vont faire face à un jeu d’ouverture, avec de nouvelles règles et de nouveaux entrants. Pour elles, le plus important réside dans leur aptitude au mouvement. »

Créer du collectif à partir de la diversité de l’entreprise

Envisager d’autres dynamiques, quand l’heure est à l’absorption du choc, n’est pas spontané. Dans les entreprises, les situations et les réactions se sont révélées très hétérogènes. « Certains n’ont pas pu travailler comme ils l’auraient souhaité, pour des raisons de garde d’enfants par exemple, d’autres ont dû mettre les bouchées doubles pour maintenir l’activité », rappelle Davy Castel. Dès lors, comment faire collectif à partir de cette diversité intrinsèque aux entreprises ? « Il est important de considérer le caractère unique de chaque salarié et de coordonner ces différences par le dialogue, en multipliant les espaces de discussion. » Il ne s’agit pas seulement d’informer sur les mesures sanitaires ou les orientations stratégiques, mais également de faire remonter les informations du terrain, fussent-elles difficiles à entendre, et de permettre aux émotions de s’exprimer. 

« Des collaborateurs peuvent notamment éprouver du ressentiment, de la colère, de l’anxiété. Mais la première peur est celle de ne pas être entendu. Dans l’accompagnement de ces situations compliquées, le dirigeant doit éviter deux principaux écueils : refuser l’échange pour ne pas avoir à faire face aux émotions des salariés ou faire preuve de trop de condescendance, au risque d’outrepasser les limites de la vie privée ou de victimiser la personne. Une meilleure posture serait de prendre en compte les besoins du collaborateur en maintenant un périmètre professionnel, par exemple en posant tout simplement cette question : "As-tu les moyens de bien faire ton travail ? ". »

Sanitaire, économique, financière, sociale… la crise provoquée par la pandémie de la Covid-19 est inédite par son ampleur. Malgré le choc et le manque de visibilité, de nombreuses entreprises ont initié de nouvelles dynamiques pour passer d’une situation subie à davantage de proactivité. Au cœur de leur stratégie de rebond : l’humain. Regards croisés sur des approches qui permettent de dépasser paradoxes et incertitudes, avec :

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Développer l’aptitude au mouvement des entreprises

Après le choc vécu dans les entreprises, et alors que la pandémie n’est pas enrayée, un retour à la normale est-il envisageable ? « L’idée d’un retour à une norme antérieure est certainement une illusion, estime Joseph Lusteau. Nous assistons plutôt à un réaménagement des situations, qui implique de reconstruire un nouvel équilibre, lui-même possiblement instable pendant longtemps. » Il s’agit désormais d’inventer d’autres perspectives, dans un contexte où se mêlent ruptures et continuités. Opposer « monde d’avant » et « monde d’après », deux expressions qui ont fleuri sur le terreau de la crise, aurait en réalité peu de sens. De nombreuses tendances de fond ont en effet émergé bien avant le confinement : montée en puissance du télétravail, fabrication de matériels de protection qui ont renforcé le lien direct entre industriels et utilisateurs finaux, etc. « Ces phénomènes et d’autres encore évoluent, s’accélèrent, se télescopent. Pour les filières qui connaissent les plus grandes difficultés, comme l’aéronautique et l’automobile, c’est tout l’écosystème qui change. Dans les secteurs moins directement touchés, les entreprises vont faire face à un jeu d’ouverture, avec de nouvelles règles et de nouveaux entrants. Pour elles, le plus important réside dans leur aptitude au mouvement. »

Créer du collectif à partir de la diversité de l’entreprise

Envisager d’autres dynamiques, quand l’heure est à l’absorption du choc, n’est pas spontané. Dans les entreprises, les situations et les réactions se sont révélées très hétérogènes. « Certains n’ont pas pu travailler comme ils l’auraient souhaité, pour des raisons de garde d’enfants par exemple, d’autres ont dû mettre les bouchées doubles pour maintenir l’activité », rappelle Davy Castel. Dès lors, comment faire collectif à partir de cette diversité intrinsèque aux entreprises ? « Il est important de considérer le caractère unique de chaque salarié et de coordonner ces différences par le dialogue, en multipliant les espaces de discussion. » Il ne s’agit pas seulement d’informer sur les mesures sanitaires ou les orientations stratégiques, mais également de faire remonter les informations du terrain, fussent-elles difficiles à entendre, et de permettre aux émotions de s’exprimer. 

« Des collaborateurs peuvent notamment éprouver du ressentiment, de la colère, de l’anxiété. Mais la première peur est celle de ne pas être entendu. Dans l’accompagnement de ces situations compliquées, le dirigeant doit éviter deux principaux écueils : refuser l’échange pour ne pas avoir à faire face aux émotions des salariés ou faire preuve de trop de condescendance, au risque d’outrepasser les limites de la vie privée ou de victimiser la personne. Une meilleure posture serait de prendre en compte les besoins du collaborateur en maintenant un périmètre professionnel, par exemple en posant tout simplement cette question : "As-tu les moyens de bien faire ton travail ? ". »

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Le sens comme moteur de dynamique

La fierté du travail accompli a constitué l’un des principaux leviers de la motivation des salariés de Votat, au plus fort de la crise. Comme beaucoup d’industriels, l’entreprise a réfléchi à la manière de préserver la production et de limiter le recours au chômage partiel. « Dans notre entreprise ancienne - elle a plus de 140 ans -, qui travaille avec beaucoup de récurrence, nous avons mis au point notre premier produit propre, un distributeur de gel hydroalcoolique, explique Philippe Marillaud. Nous l’avons conçu en intelligence collective et, à sa sortie, nous étions enthousiastes comme des enfants ! Ce qui se jouait, c’était bien autre chose qu’un nouveau produit. » Participer à un projet porteur de sens social a également été pour Kepra source de mobilisation. Le groupe a fabriqué en Hauts-de-France des attaches en métal permettant de fixer les visières de protection aux casques et casquettes. « C’est sur l’investissement des salariés que s’est appuyé le projet », affirme Gilles Conesa. Au quotidien, pour Kepra et Votat, la communication a cimenté la cohésion ; courriers et appels téléphoniques ont maintenu avec les salariés en chômage partiel le lien avec l’entreprise. La dynamique créée pendant la crise avait déjà pris racine dans de précédents projets collaboratifs mais le défi reste de la maintenir dans la durée. « Parmi nos collaborateurs, certains ont 25 ans d’expérience. C’est aussi 25 ans d’habitudes. Nous devons être vigilants à construire le plan d’évolution, estime Gilles Conesa. Continuer à entraîner en considérant les rythmes et les freins propres à chacun. »

S’appuyer sur le management participatif pour produire de l’utilité stratégique

Le management participatif, longtemps perçu comme une valeur ajoutée, pourrait bien devenir une nécessité pour favoriser à la fois la réactivité et la proactivité de l’entreprise. « En période de crise, le management participatif est indispensable pour que l’appropriation des décisions soit quasiment instantanée, estime Joseph Lusteau. Pour autant, se mettre en dynamique quand les carnets de commandes s’amenuisent et que l’horizon sur les marchés est bouché est-il seulement possible ? « On ne peut pas attendre d’avoir de la visibilité pour prendre des décisions. Ce serait prendre la décision de ne rien faire. Et ne rien faire, ce n’est pas une attitude de prudence dans un monde instable. Ces nouveaux produits créés par les entreprises pendant la crise, même s’ils ne couvrent pas toutes les pertes d’activité, sont une manière concrète de se réinventer, de faire sortir les salariés du rôle d’exécutants, de retrouver de l’utilité stratégique pour les clients. Un cercle vertueux se met en place et il est moteur de dynamique. » Cependant, l’agilité de l’entreprise s’avère fortement consommatrice d’énergie et de carburant. Se disperser pour chercher à tout-va des relais de croissance est porteur d’un risque d’épuisement et de délitement. « C’est un paradoxe, analyse Joseph Lusteau. On peut effectuer des variations sur un thème, mais dont le sens général est bien compris par l’ensemble des collaborateurs, ce qui leur permet d’être mobiles et innovants à leur poste. Il s’agit de comprendre que l’entreprise n’est pas en train de changer de nature mais que ce qu’elle fait est cohérent avec le sens général de son évolution. »

Lâcher prise pour reprendre pied

Pour le dirigeant, l’enjeu est dans sa capacité à mettre en place les conditions de la dynamique pour appréhender tous les avenirs possibles. Si le besoin de relation directe entre chef d’entreprise et salariés s’est fortement manifesté ces dernières semaines (c’est toujours le cas avec les PSE (Plan de sauvegarde de l'emploi) et les dirigeants considèrent que la crise n’est pas terminée), pour prendre le pouls du climat social notamment, la délégation reste une condition de l’agilité de l’organisation. Au cœur du sujet : les managers intermédiaires, relais des orientations stratégiques sur le terrain, animateurs des équipes, courroies de transmission des informations vers la direction. « Héritage du taylorisme et de la bureaucratie, le rôle de "petit chef" a trop longtemps enfermé les managers », déplore Davy Castel, qui souligne deux extrêmes : le fort contrôle exercé par eux sur les équipes, qui limite par exemple la communication au reporting, et les mauvaises interprétations des théories de la libération de l’entreprise, qui amènent les dirigeants à se passer de maillons intermédiaires. « Or, ils constituent en quelque sorte le système nerveux de l’entreprise à travers leur rôle de coordinateur et de facilitateur. C’est sur eux que le dirigeant peut s’appuyer pour déléguer et lâcher prise, à condition qu’ils soient formés au management. » 

Prendre soin des managers pour qu’ils prennent soin à leur tour des équipes est l’un des moyens efficaces pour éviter le burn-out des dirigeants. « La première étape était de protéger les salariés, puis de mettre en sécurité financière l’entreprise, raconte Philippe Marillaud. Mais après quinze jours, j’ai ressenti une très grande fatigue. Les salariés ont compris que c’était à eux de prendre soin de moi. En particulier, je cherche à faire monter en compétence mon responsable de production, pour qu’il me seconde davantage. » Un développement des compétences étroitement corrélé à l’esprit d’ouverture qui anime la mise en mouvement et la création de valeur pour les clients. « Sur le sujet des compétences, il est important de faire un pas de côté, rappelle Joseph Lusteau. Au-delà des savoir-faire techniques, l’entreprise aura de plus en plus besoin de talents pour saisir au vol les opportunités. » Il revient dès lors au dirigeant et aux managers d’identifier et de faire croître, au-delà des fiches de poste, des potentiels et des appétences qui nourriront l’agilité de l’entreprise.

Fédérer autour du projet d’entreprise

« Les deux leviers les plus importants, qui n’apparaissent pas au bilan de l’entreprise, sont l’humain et la réputation. J’y crois beaucoup, encore plus en ce moment », affirme Philippe Marillaud. Cependant, nombre d’entreprises, notamment celles qui craignent de devoir procéder à des licenciements pour adapter la masse salariale à l’activité, suspendent leurs efforts en matière d’attractivité. Or, celle-ci ne se résume pas aux recrutements. « L’attractivité est particulièrement stratégique en ce moment », considère même Davy Castel. La crise met à l’épreuve les valeurs affichées, la gestion des relations humaines au sein d’une communauté professionnelle, l’exemplarité des managers. L’adaptation des organisations impliquera de formaliser un nouveau projet d’entreprise (je dois distinguer projet et projet d’entreprise), qui devra réexprimer sa contribution à des environnements en évolution et renforcer les cohésions. Et, si les plans de reprise génèrent à nouveau l’activité attendue, les entreprises auront besoin de compétences pour se saisir des opportunités. En pleine tempête, les capitaines d’industrie doivent mobiliser les meilleurs équipages. Ainsi, le groupe Kepra a engagé avant l’apparition de la pandémie une démarche de certification Iso 9001. Un projet que Gilles Conesa ne compte pas suspendre avec la crise mais qu’il souhaite au contraire renforcer, pour servir aussi bien la mobilisation des salariés que les attentes des clients en matière de qualité. Pas à pas, la transformation se nourrit d’une dynamique qui libère toutes les énergies et invite les dirigeants, comme le rappelle Joseph Lusteau, « non pas à réduire l’incertitude, mais à avoir un management compatible avec l’incertitude. »

*Cet article est basé sur le webinaire organisé le 3 juillet par Cap Industrie à l’occasion des Rencontres Industrielles Régionales en Hauts-de-France.